lundi , 29 avril 2024
enfrit
Pour une solution à la crise politique malgache, l'espoir est permis sur le plan juridique mais sur le terrain, les affrontements sanglants inquiètent de plus en plus.

Entre espoir de paix et affrontements sanglants

« On nous a envoyé dans une boucherie », témoigne le rescapé d’une
embuscade tendue par les partisans de Marc Ravalomanana à l’entrée de la
ville de Fianarantsoa. Dans un camion, 25 militaires se dirigeaient vers
cette ville située à environ 400 km au sud d’Antananarivo. Les forces de
l’ordre qui ont choisi le camp du nouveau président, appuyées par les «
fokonolona », les simples citoyens, les ont accueillis mortellement à
coup de feu et aux jets de pierres.

« Nous ignorons notre mission », soutient pourtant, paradoxalement,
l’une des victimes blessées au cours de la fusillade meurtrière. Ces
hommes là étaient en fait envoyés à partir de l’école nationale des
Sous-officiers d’Antsirabe, à 170 km au sud de la capitale. Mission :
venir en renforts des gardes du palais du gouverneur de la province de
Fianarantsoa. Le palais étant assiégé par les forces de l’ordre et les
partisans de Ravalomanana sur le point d’installer le président de la
délégation spéciale nommé par le nouveau président, en remplacement du
gouverneur défendu par le président sortant Didier Ratsiraka. Une
mission qui, selon l’adjoint du Chef de l’Etat-major général de l’armée,
n’a pas été décidée à leur niveau. Ce serait les responsables de la
sécurité nationale au niveau du Premier ministre de Didier Ratsiraka,
d’après la même source, qui ont décidé l’envoi de ces renforts, des
hommes qui se dirigeaient donc directement à « l’abattoir ».
Mais rectifiant le tir, Mounibou Ismaël, le Chef de l’Etat-Major, a très
vite annoncé que ces hommes ont été envoyés sur place à titre de forces
d’interposition.

Une autre source auprès de l’école nationale des Sous-officiers montre
pourtant du doigt Mounibou lui-même comme étant à l’origine de l’ordre
d’envois des militaires.

«Arrêtez d’envoyer des militaires qui risquent de trouver la mort pour
rien à Fianarantsoa, car la population est décidée à prendre la
situation en main » a, de son côté, clamé un jeune militant
pro-Ravalomanana, en s’adressant au camp de Didier Ratsiraka.

Dégâts collatéraux

Les premières images de blessés parvenues de Fianarantsoa, et diffusées
par la chaîne MBS appartenant à Ravalomanana, témoignent de la violence
des affrontements à l’arme lourde. Le personnel de l’hôpital de
Fianarantsoa est débordé.
Les dégâts collatéraux témoignent en outre de
la gravité de la situation. Un frère catholique de nationalité
canadienne de la congrégation du Sacré C?ur a été tué par balles, et des
enfants blessés par des éclats de grenade. Les collaborateurs du frère
Morin, la victime, ont mis à l’index les gardes du gouverneur. Tout en
indiquant qu’il ne peut s’agir de balles perdues. Car le frère Morin a
été atteint par cinq balles dans le dos, alors qu’il passait devant une
fenêtre. Une ambulance a été, en outre, la cible de rafales, toujours de
la part des gardes du gouverneur, apprend-on de source médicale. Une
source officieuse nous apprend aujourd’hui que le camp de Didier
Ratsiraka a du mal à trouver un effectif valable pour renforcer la
protection du palais du gouverneur de Fianarantsoa. L’armée malgache
étant plus que jamais divisée.

Lundi, des coups de feu sporadiques retentissaient encore dans la ville
de Fianarantsoa. Deux gardes du gouverneur, selon une source locale,
auraient été lynchés par la foule, tandis que quatre autres ont décidé
de se rendre.

Une spirale de violence

La ville de Majunga, à l’Ouest du pays, est également sur le point
d’entrer dans la spirale de la violence. Les partisans de Ravalomanana,
qui tenaient meeting dans un lieu clos lundi, ont été « attaqués » par
des gardes du gouverneur local. Il s’agit de miliciens, dont des
mineurs, selon un partisan de Ravalomanana, mais qui portaient des
uniformes. Bilan: 40 blessés. Le président de la délégation spéciale
nommé par Marc Ravalomanana, Pierre Tsiranana, était tout de suite monté
au créneau. Il sera incessamment sur place. Le scénario de Fianarantsoa
n’est pas exclu.

Lueur d’espoir

Sur la plan juridique, par contre, l’espoir est permis. La paix est
peut-être à portée de la main, souligne une source proche de
Ravalomanana. Le camp du nouveau président ayant introduit auprès de la
Chambre administrative de la Cour Suprême un recours en interprétation
de son jugement sur l’annulation de la nomination des membres de la
Haute Cour Constitutionnelle. Cela dit, c’est cette même juridiction –
ce qui permet d’éviter les fausses interprétations – qui va énoncer les
conséquences réelles de son verdict.
Le jugement d’interprétation, qui découlera de ce nouveau recours,
permettra de mieux expliquer les tenants et aboutissants du verdict
publié la semaine dernière.

Les membres de l’ancienne Haute Cour malgache devront-ils réintégrer
leur poste, ou s’achemine-t-on vers la mise sur pied d’une nouvelle HCC
? C’est la Chambre Administrative elle-même qui va le faire savoir. Ce
qui ouvre à une nouvelle solution juridique à la crise. Dans le cas
contraire, il faudra incontestablement une conquête du pouvoir par
Ravalomanana, à coup de force. Et s’attendre à ce que Didier Ratsiraka
se défende mordicus.