vendredi , 26 avril 2024
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Chaque année, le début du mois de novembre permet de constater l’évolution des mentalités, des pratiques sociales et même de la culture des Malgaches dans leur relation avec la mort et le monde des défunts. Si Halloween est réservée aux citadins branchés et fêtée de manière encore très marginale, l’amalgame entre la fête de la Toussaint et la fête des Morts se confirme. Certaines ethnies qui ne pratiquent pas les rituels du « famadihana » ou le retournement des morts en profitent pour faire des célébrations païennes fondées sur de nouvelles traditions.

Fête des Morts : du recueillement, de la tradition, des larmes et de la joie

Madagascar ne serait pas le premier pays à célébrer la fête de la Toussaint avec la fête des Morts sans différenciation. Les Mexicains célèbrent les défunts durant ces deux jours. Au départ, l’Église catholique avait pourtant bien délimité les choses : le 1er novembre pour fêter tous les saints, le 2 novembre pour consacrer des prières aux défunts. Or, c’est le 1er jour du mois de novembre qui est férié et qui permet aux croyants d’aller à l’église et d’aller déposer des fleurs sur les tombes.

La pratique cultuelle a donc été influencée par les aléas du calendrier. Les Malgaches fêtent les saints de l’église et ont une pensée ou une prière pour leurs membres de familles décédés le même jour. Il ne faut pas oublier que la Toussaint reste une fête catholique et que tout le monde ne le célèbre pas dans un pays où il y a 50 % de chrétiens. Les non-catholiques sont donc plus intéressés par la journée des souvenirs.

La manière de marquer la fête des morts, que celle-ci ait lieu le 1er ou le 2 novembre peut être dans la joie ou dans la tristesse. C’est une occasion en effet de pleurer à nouveau un proche en particulier s’il est passé dans l’au-delà la même année. Dans la croyance des Malgaches, il est en effet « interdit » d’aller pleurer sur une tombe afin de ne pas tenter le défunt d’amener un vivant dans l’autre monde, afin de permettre à l’âme de la personne décédée de reposer en paix. Il faut patienter jusqu’au jour J pour fleurir le caveau familial et nettoyer les alentours ou désherber. Ce manque de relation avec les défunts durant l’année est largement compensé par les rituels du « famadihana » dont la saison se termine fin septembre.

Dans les régions où le retournement des morts n’est pas pratiqué, la Toussaint est devenue une vraie fête pour célébrer les défunts. C’est le cas dans l’ethnie Antambahoaka connu pour la cérémonie des circoncisions collectives ou « Sambatra ». C’est une célébration collective en la mémoire des défunts dans le village sans un rituel quelconque sur les tombes. A Toamasina, l’ambiance est plutôt au recueillement. L’année 2013 a été exceptionnelle puisque la ville du grand port a rendu hommage aux disparus de la mer le jour du 1er novembre, un évènement habituellement marqué le dernier dimanche du mois.

La fête des Morts a des impacts positifs sur l’économie puisque le nombre de voyageurs augmente. Cette année, il n’y avait pas influence sur les routes malgré un week-end de trois jours. Les fleuristes n’ont pas eux aussi connu une augmentation spectaculaire de leur chiffre d’affaires. Les organisateurs d’évènement ont eu un succès mitigé pour leur soirée Halloween, preuve que les Malgaches n’ont pas besoin des déguisements pour se faire peur. Ils craignent et respectent les fantômes dans la vraie vie. La fête des Morts dans le sens festif du terme reste un évènement commercial au même titre que l’Oktoberfest ou la fête de la bière qu’une brasserie locale a célébrée le 02… novembre.