vendredi , 3 mai 2024
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En passe de devenir les nouveaux prédateurs de la presse, les autorités malgaches essaient de rendre les médias et les journalistes responsables après en avoir fait plusieurs coupables. Le colonel Richard Ravalomanana, commandant de la force chargée de mater les manifestations d’opposition, a aplani ses différends latents avec les médias en donnant la leçon aux « jeunes journalistes ».

Il faut taper moins sur les journalistes qui sont utiles aux forces de l’ordre !

La rencontre entre l’association des jeunes journalistes de Madagascar (AJJM) et le colonel Richard Ravalomanana, commandant de l’Emmo Reg a été celle d’un maître de conférence et une assistance docile, à l’image d’une connivence retrouvée. La réunion – conférence de presse a été plutôt amicale puisqu’elle a été axée sur la collaboration. Le chef des forces de l’ordre qui font la loi à Antananarivo n’a pas caché sa volonté de collaborer avec la presse, quitte à utiliser cette dernière.  « Nous avons besoin de cette coopération, s’est justifié le colonel Ravalomanana. On a besoin des journalistes pour diffuser les messages que nous voulons passer ».

La manipulation ne serait pas un crime ici. Le colonel Ravalomanana revient sur l’utilité de la presse lors de l’assaut donné au camp de la Force d’intervention de la gendarmerie nationale, le 20 mai 2010. « C’est vous qui avez pu faire entendre que nous sommes allés négocier sans nos armes », dit-il. Ce jour-là, c’est la radio Viva, appartenant à Andry Rajoelina et média de propagande officielle pro HAT et anti-opposition qui a joué ce rôle. Dans l’autre camp, la radio Fahazavana a donné un autre son de cloche avant que les journalistes et techniciens de la station ne soient arrêtés par la brigade… criminelle sous la demande pressante de la radio… Viva.

Les représentants des forces de la HAT reprochent aux journalistes de déformer des informations qui leur sont communiquées. L’Emmo Reg du colonel Ravalomanana promet de faire un effort pour répondre aux sollicitations des gens des médias, en particulier ceux qui cherchent à faire un recoupement. La stratégie de discréditer les autres sources contradictoires a toujours été une arme pour ces forces de maintien de l’ordre devenues malgré elle une police politique. Les journalistes en ont payé les frais.

« Dernièrement, on a constaté de nombreuses violences à l’encontre des journalistes et perpétrées par les forces de l’ordre, on a convenu que cela doit diminuer » (sic). Les propos sont de Théodore Ernest de l’AJJM. L’association n’a pas obtenu l’engagement du colonel Ravalomanana à la cessation de ces violences mais doit se contenter de leur diminution. Pis, les journalistes endossent le rôle du méchant puisque le responsable de l’Emmo Reg leur demande d’arrêter toute forme de provocation à l’endroit des forces de l’ordre s’ils ne veulent pas être violentés.

Le colonel Ravalomanana avait tenté de justifier le tabassage de journalistes et techniciens de la Radio Fréquence plus lors de la violente arrestation de l’opposant Ambroise Ravonison. « Savez-vous si ces gens de Fréquences ont élevé la voix ou non contre les forces de l’ordre », avait-il déclaré. Pour ce qui est des journalistes de la radio Fahazavana, ils sont déjà coupables aux yeux du commandant de l’Emmo Reg. Cette radio de résistance contre la HAT a été affligée de tous les délits possibles.

Le conseil donné aux confrères est encore plus affligeant : « les journalistes n’ont pas le droit de réclamer la libération des journalistes emprisonnés ». La seule solidarité qui soit permise est de venir en aide aux familles des prisonniers. Vu le recul de la liberté de la presse, il est difficile d’imaginer que le coup d’Etat militaro-civil de 2009 avait comme premier prétexte la fermeture de Viva TV, la télé de Andry Rajoelina, par le ministère chargé de la Communication. Aujourd’hui, la mesure administrative s’accompagne de poursuite judiciaire et de violence physique contre les journalistes.