samedi , 4 mai 2024
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Il y a quelques mois, on parlait encore d’esclavage moderne subi par des travailleuses malgaches au Moyen-Orient et voilà que c’est l’Etat lui-même qui facilite l’expatriation. Le ministre du Travail Henri Rasamoelina se veut rassurant en faisant la promotion d’un nouvel eldorado : la Jordanie. Il estime que le recrutement d’anciens salariés des entreprises franches est un moyen de lutter contre le chômage qui frappe ce secteur depuis la crise.

Jordanie : l’eldorado qui fait passer la HAT pour une agence de placement

On savait que la HAT entretenait des relations privilégiées avec le Moyen-Orient mais on ne s’était pas forcément attendu à ce que l’autorité en place organise un envoi massif de travailleurs malgaches dans l’un de ces pays. Le ministre du Travail et des Lois Sociales a annoncé avec un certain enthousiasme qu’une entreprise franche jordanienne souhaite recruter des salariés malgaches. Quelque 3 000 postes seront à pourvoir. La particularité de cette opération est que l’Etat se substitue à une agence de placement qu’il cautionne.

Comme l’expérience libanaise a été un drame national même si certaines travailleuses y vivent de manière tout à fait correcte, le ministre Rasamoelina présente la Jordanie comme un eldorado. « C’est une agence qui travaille déjà à Madagascar qui recrute », rapporte-t-il. Au moins, l’entreprise a déjà embauchés quelque 90 salariés malgaches qui se sont bien intégrés. « C’est une solution pour les salariés qui ont perdu leur emploi », renchérit le ministre du travail.

Pourquoi la Jordanie serait-elle un eldorado et non pas un enfer comme le Liban ? Le ministre du Travail de la HAT se veut rassurant. « Les lois sociales en Jordanie sont très avancées », affirme-t-il. Les travailleurs malgaches y trouveraient donc un environnement accueillant et auront des droits. Comme on connaît la politique sociale des entreprises franches, le doute est permis. « J’ai pris toutes les mesures nécessaires, on peut envoyer des travailleurs malgaches en Jordanie, un représentant du ministère va faire le déplacement tous les ans pour faire leur suivi », promet le ministre.

Pour Henri Rasamoelina, l’expatriation est un phénomène normal et qu’il ne faut pas toujours penser au pire. « Il y a des employeurs étranger à Madagascar comme les philippins chez Sherritt, se justifie-t-il. Pourquoi ne pas donner leur chance aux malgaches qui désirent travailler à l’étranger ». Le ministère étudie la possibilité de voir des travailleurs partir pour d’autre pays du Golf comme le Koweit ou l’Arabie Saoudite. Par contre, le Liban est toujours sur la liste noire des destinations pour salariés malgaches.

Expatrier les travailleurs et en particulier les chômeurs, le plan social de Henri Rasamoelina suscite un enthousiasme modéré. Mahefa R., 32 ans, a perdu son emploi en 2009 alors qu’il travaillait dans une entreprise franche comme superviseur. Toujours au chômage, il réfléchit sérieusement à la proposition jordanienne. « Cela fait deux ans que j’essaie de retrouver du travail dans le secteur mais sans succès », confie-t-il. A Madagascar, quand on évoque la zone franche sans la spécifier, on fait référence à l’industrie textile.

Mahefa partira-t-il ? « Je sais que là-bas, le salaire sera légèrement meilleur qu’ici mais qu’en est-il des dépenses. Si on n’est pas logé, je vois mal comment on pourra supporter le coût de la vie en Jordanie, s’inquiète-t-il. Qui va payer les billets d’avion car personne n’aura les millions nécessaires ». La barrière de la langue l’effraie un peu en particulier si les malgaches auront à travailler avec des jordaniens.