mercredi , 1 mai 2024
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A Madagascar comme dans tout autre pays supposé être un Etat de droit, il est interdit de monnayer une embauche. Et pourtant cette pratique relevant de la corruption pure et simple est banalisée en particulier en cette période de crise… de l’emploi. Comme les sri-lankais ou les bangladais qui ont pu rejoindre la Jordanie pour travailler dans le textile, de nombreux malgaches doivent aussi y mettre le prix : 5 mois de salaire ?

Jordanie : un rêve du ministre du travail est-il inaccessible ?

A la question pour savoir quelles formalités doit on accomplir et quelles sont les conditions pour être candidats à l’émigration en Jordanie, le jeune homme prénommé Hery n’y va pas par quatre chemins : payer 2 million d’ariary. Se présentant comme ayant la possibilité de faire passer le dossier, cet intermédiaire assure que si les autres sont déjà partis, c’est qu’ils ont payé.

Son argument est imparable : il y a beaucoup plus de demandes que d’offres. Sur un contrat de 3 ans à 150 dollars minimum garantis le mois, payer le bakchich en vaudrait le… coût. D’autant que les revenus peuvent atteindre 400 dollars, 2 millions d’ariary est un investissement qui sera vite rentabilisé.

Déjà, une agence de placement fantôme a réussi à arnaquer les candidats au départ pour la Jordanie. La vraie agence qui  est en relation avec l’entreprise Century Miracle Jordan, la seule qui est reconnue par le ministère du Travail de la HAT, ne fait pas payer le candidat, en tout cas pas officiellement. Elle travaille comme chasseur de tête et facture sa prestation à l’entreprise. Les éventuels frais de dossiers peuvent exister mais dans le cas d’un programme d’expatriation cautionné par l’Etat, les places peuvent être chères mais ne sont pas à vendre.

Le ministre du Travail et des lois sociales est très impliqué dans le projet jordanien. Henri Rasamoelina est quelque peu énervé par les critiques et le scepticisme qui entourent l’envoi de 3000 travailleurs malgaches dans ce pays du Moyen-Orient. « Je ne vois plus quelles mesures en plus de celles que l’on a déjà prises, s’offusque-t-il. Je n’accepte pas les gens qui font des critiques faciles ».

Parmi ces mesures, on peut citer l’accréditation d’une seule agence de placement pour réaliser le recrutement. Le ministère prévoit des contrôles stricts pour éviter la répétition du syndrome Liban.

Et le ministre Rasomelina se transforme en Nadine Ramaroson : « donnez du travail à ces 200 000 ou 300 000 travailleurs au chômage et j’abdiquerai, il y a des solutions qu’il faut trouver car il y a des gens qui ne mangent plus à leur faim ».

« C’est une solution qui permet d’atténuer  les effets néfastes de la crise… Il y a beaucoup de gens qui ont perdu leur emploi et sont encore dans le chômage. Il y aura de nombreux enfants qui seront déscolarisés », se justifie-t-il. La populaire ministre de la Population ne ferait pas mieux.

La Jordanie est une solution populaire et populiste pour atténuer l’effondrement de l’emploi dans le secteur industriel. Henri Rasamoelina pense même faire un geste en guise de remerciement aux entreprises de textile qui sont restées et n’ont pas licencié leurs employés.

Si les jordaniens recrutent des ouvriers à Madagascar, c’est que le savoir-faire des malgaches dans le secteur du textile est reconnu. La HAT ne semble pas espérer une reprise de la filière sur le plan local du moins dans les trois ans à venir. Envoyer les victimes du coup d’Etat de 2009 à l’étranger permettrait d’éviter des contestations à venir.

L’entreprise jordanienne pourrait recruter plus de malgaches pour d’autres usines dans le Moyen Orient et en Chine. A ce rythme, il n’y aura plus de travailleurs qualifiés pour les entreprises qui vont s’implanter à Madagascar quand il y aura un nouveau régime légal et démocratique.