samedi , 4 mai 2024
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La succession de mésaventures qui se terminent souvent dans un hôpital à Antananarivo, voire à la morgue, a largement terni l’image des bureaux de placement qui envoient de travailleuses au Liban. Quelques succès stories existent mais ils sont rares à sortir de la banalité et de la misère vécue par ces expatriées malgaches. Le facteur chance de tomber sur de « gentils » employeurs et le bon niveau d’éducation ont permis à quelques unes de bien vivre leur expérience dans ce pays du Moyen-Orient.

Le Liban : un eldorado ou un enfer pour les travailleuses malgaches ?

Rosina, 26 ans, est revenue au pays, malade et les jambes cassées, sans un sou. C’est désormais un constat récurrent à chaque retour forcé d’une manière ou d’une autre d’une travailleuse malgache du Liban. Comme beaucoup d’autres revenues avant elle, la jeune femme a subi des violences. Elle raconte avec à peine de cohérence sa souffrance psychologique, en proie au délire et à la démence, selon ses explications. Rosina se souvient vaguement d’avoir été poursuivi par son patron dans l’appartement. Elle aurait été poussée du premier étage et s’est blessée gravement. Avant d’être rapatriée, la jeune femme a passé un mois et demi à l’hôpital, au Liban.

Le dossier Liban est un casse-tête pour les autorités malgaches, en particulier le ministère de la Population qui semble plus préoccupé que le département chargé du Travail et des Lois sociales. Il y a un sentiment d’impuissance malgré les actions menées au niveau de l’ambassade à Paris ou du consulat au Liban. La HAT veut éviter que les malheurs des travailleuses malgaches au Liban soient liée au fait que l’Etat malgache n’est pas reconnu sur le plan international. La ministre de la Population Nadine Ramaroson a pris les choses en main mais le chemin est encore long. Quelque 400 travailleuses ont porté plainte contre leur employeur pour mauvais traitement. Les autorités malgaches ont pu contacter 23 victimes.

La situation est plus que délicate pour les 51 jeunes femmes sans contrats de travail. Trois travailleuses ont été déclarée atteintes de la tuberculose, une maladie opportuniste qui apparaît facilement chez une victime de maltraitance physique. Trois travailleuses sont en fugue tandis que 18 autres ont contacté le consulat notamment pour un possible retour au pays. Ces statistiques présentées par la ministre de la Population représentent une petite partie des quelque 8000 expatriées, une estimation officieuse, travaillant au Liban. « C’est un dossier compliqué, reconnaît la ministre Ramaroson. Ce sont des contrats entre privés, ce n’est pas facile pour l’Etat de mettre fin à des contrats juste comme cela ».

Lalaina, 24 ans, est partie en 2009, préférant tenter l’aventure libanaise aux études. Elle fait partie des chanceuses, gagnant le double du salaire courant parmi les travailleuses malgaches et vivant dans un cadre chaleureux, logée, nourrie, blanchie ! « Je suis venue faire des travaux ménagers comme tout le monde, mais au final, je suis baby-sitter et tutrice des enfants de mon patron », explique-t-elle. Sa chance, c’est d’avoir un bon niveau d’éducation et de parler couramment le français. Une qualification très appréciée par son employeur dont la femme ne maîtrise pas très bien la langue de Molière. « C’est moi qui aide les enfants dans leurs études », raconte Lalaina non sans fierté.

La jeune femme est très sensible aux mésaventures de ses compatriotes. « Je pense qu’il ne faut pas envoyer des filles sachant à peine écrire dans un pays étranger, elle ne sont pas capables de se défendre car la violence est avant tout psychologique avant les vrais coups ».  Selon Lalaina, celles qui sont venues il y a quelques années sont moins exposées. « Au début, les gens qui avaient les moyens de payer le service d’une domestique sont issus de famille aisée, aujourd’hui, les nouveaux patrons appartiennent à la classe moyenne », explique-t-elle pour justifier la multiplication de cas de maltraitance. Elle compte rester encore cinq ans au Liban et chez le même employeur. « Le petit dernier sera au collège et je pourrai rentrer au pays recommencer une nouvelle vie ».