samedi , 11 mai 2024
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La piste chinoise dévoilée publiquement par le Directeur général de SAMIFIN, le service de la lutte contre le blanchiment d’argent, détourne l’attention un temps fixée sur des hauts responsables de la transition, souvent cités sans être nommés dans le dossier bois de rose. La passivité des autorités soulève des questions car les acteurs locaux de ce trafic sont connus. Le SAMIFIN montre déjà ses limites dans sa mission.

Le SAMIFIN impuissant face aux trafiquants de bois de rose

Le rapport d’activité du SAMIFIN n’a révélé rien de croustillant. Cet organe administratif chargé de lutter contre le blanchiment d’argent et le financement du terrorisme a montré ses limites dans le dossier bois de rose. A la base, il ne peut pas prendre des initiatives car il faut que son service soit requis. Le SAMIFIN entreprend une action ou une enquête uniquement suite à une déclaration d’opération suspecte (DOS). Il compte donc sur la bonne volonté des banques et des autres organismes financiers qui ne sont pas toujours suspicieux vis-à-vis de leurs clients. Malgré la crise, le service a enregistré plus de 100% d’augmentation des DOS, soit 54 en 2009 contre 23 en 2008.

En 2010, le SAMIFIN est toujours aussi sollicité. Cet organisme a été très attendu sur le dossier bois de rose. Jean Claude Razaranaina, Directeur général, révèle que 26 DOS s’y rapportant ont été reçus. Il explique le mécanisme financier du trafic  avec une simplicité déconcertante. Des « investisseurs » chinois font un gros transfert sur le compte de trois sociétés appartenant à des chinois à Madagascar dont les activités de façade sont la quincaillerie ou le textile. « L’opération est illicite car nous n’arrivons pas à déterminer la provenance de ces fonds », déplore le DG de SAMIFIN.

Selon Jean Claude Razaranaina, les hommes d’affaires chinois impliqués dans le mécanisme financier sont introuvables. Ils ne sont enregistrés que ce soit au niveau du service de la sécurité du territoire du ministère de l’Intérieur ni auprès de l’EDBM, l’organisme chargé de la création d’entreprise. Les opérateurs chinois installés à Madagascar versent quant à eux des sommes conséquentes sur les comptes d’opérateurs malgaches qui ont un agrément d’exploitation de bois de rose. Le DG de SAMIFIN révèle que certains commerçants de Behoririka sont impliqués dans le réseau.

Les sociétés malgaches intermédiaires virent quant à eux de l’argent sur le compte de personnes résidents dans les localités proches des lieux d’exploitation des bois précieux. « Cela veut dire qu’ils incitent la population riveraine à couper des bois de rose dans la forêt », suppose Jean Claude Razaranaina. En tout, 31 milliards d’ariary ont été détectés comme étant du financement d’acquisition de bois de rose. Pour ce qui est de l’exportation, le SAMIFIN a signalé l’envoi de 565 conteneurs qui sont loin d’avoir rapporté à l’Etat les 75 milliards d’ariary attendus, dont 60 milliards de recettes d’exportation et 15 milliards de redevance.

Tous les DOS ne s’avèrent pas justifiées après vérification ou enquête du SAMIFIN. Parmi les dossiers traités en 2009, 18 déclarations ont été classées sans suite et 18 autres transmises au Parquet. Le blanchiment d’argent est qualifié de crime dans la loi malgache, l’infraction est prescriptible au bout de 10 ans. Les magistrats malgaches ne semblent pas assez sensibilisés sur la gravité de ce crime. Le SAMIFIN est dépassé dès qu’il s’agit d’argent « sale » qui n’entre pas dans le circuit financier classique et qui ne fait pas l’objet d’une tentative de blanchiment. Il ne peut que recommander au gouvernement de surveiller certains secteurs à risque comme les bureaux de change ou les casinos.