dimanche , 12 mai 2024
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L’affaire Rehavana, le nom du magistrat qui a été séquestré et battu par des policiers avant de décéder de ses blessures a pris une tournure politico-judiciaire inattendue. Le Syndicat des Magistrats de Madagascar veut soumettre les autorités de politiques et policières, officiellement pour rendre justice à leur défunt confrère. Derrière cette vengeance à peine voilée se cache une intention du 4ème pouvoir à monter en puissance.

Le syndicat des magistrats veut prendre du pouvoir

La cacophonie institutionnelle de la transition menée unilatéralement par la HAT serait une opportunité au pouvoir judiciaire d’affirmer son indépendance. La revendication d’un réel pouvoir est le fond des demandes pressantes de ceux qui ont l’habitude d’ordonner au nom de la République de Madagascar qu’un jugement se fasse.

Le Syndicat des Magistrats de Madagascar a obtenu l’inculpation d’une quinzaine de policiers présumés impliqués dans la mort du substitut du procureur Michel Rehavana à Toliary. Malgré des chefs d’inculpations aussi lourdes que nombreuses, les magistrats sont mécontents et montent au créneau.

L’objectif reste de frapper un grand coup politique en obtenant le limogeage du ministre de la Sécurité Intérieure qui est en charge de la Police Nationale. Après l’échec de la pression via une grève générale, le SMM a attaqué à Arsène Rakotondrazaka  devant la Cour Suprême pour le faire tomber. Les motifs de la plainte comprennent la non-assistance à une personne en danger et le discrédit de décision judiciaire, se référant à la présence du ministre à Toliary le jour des événements.

Les magistrats syndiqués accusent le ministre de la Police de tentative de soustraction de criminelle à la justice en protégeant les policiers suspectés. Arsène Rakotondrazaka  a échappé au chef d’accusation association de malfaiteurs qui est inscrit dans le dossier des policiers déjà mis sous mandat de dépôt.

Le SMM affirme que les magistrats ne vont pas reprendre leur travail tant que le ministre de la Sécurité Intérieure reste en place. Il défie de manière frontale le président de la HAT et le corps de la police nationale qui refusent le limogeage du ministre Rakotondrazaka. La plainte déposée à la Cour suprême n’aura suite sans l’approbation du conseil des ministres.

Même si le premier ministre de consensus Omer Beriziky avait un temps évoqué la démission des deux ministres, de la Justice et de l’Intérieur, c’est Andry Rajoelina qui risque d’avoir le dernier mot. Un signe fort, la HAT a aussitôt procédé au remplacement du procureur général de la Cour Suprême. « Si cela n’a pas respecté la procédure légale, nous ne l’accepterons jamais », menace le SMM.

Les magistrats grévistes commencent à perdre leur légitimité, les usagers de la Justice et les justiciables souffrant de la fermeture des tribunaux. Le discours politique plein de défiance envers la HAT partage l’opinion. « Nous n’allons plus accepter aucun ordre venant des autorités ou des politiciens », a clamé Marius Auguste.

Le président du SMM plaidait pour une indépendance de la justice, fustigeant la tentative de corruption du pouvoir en place qui aurait proposé de l’argent aux magistrats afin que ces derniers reprennent leur travail. Il a dénoncé le mépris du pouvoir envers la Justice qu’il utilise quand il en a besoin.

En face, Andry Rajoelina semble avoir mis un casque sur les oreilles et ne veut rien entendre. La grande famille de la police fait le dos rond, mais ne se laisse pas faire. Convoquée ou invitée verbalement par le SMM à une réunion pour résoudre ce conflit latent, elle ne s’est pas présentée. L’explication est simple, ce n’est pas au syndicat de convoquer la police nationale à une réunion, mais au ministère de la Justice si besoin est.

Pour les policiers, la plainte contre leur ministre est contraire à l’apaisement souhaité. Le SMM s’attaque à l’institution même si une dizaine de policiers ont déjà été mis en prison dans l’affaire Rehavana. Pour le moment, la police nationale n’a pas déclaré ne pas accepter tout ordre venant des magistrats.

Le blocage de l’appareil judiciaire fait réapparaître une certaine déliquescence de l’Etat propre à cette transition. Quand Andry Rajoelina ne peut pas utiliser ses forces armées, il n’a pas beaucoup de pouvoir.