vendredi , 26 avril 2024
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Le « Tsangan’olona » est sans doute la monnaie préférée des Malgaches et c’est le cas depuis plus de 150 ans. Cette pièce française datant de la 3ème république a survécu, car elle n’a pas été divisée en morceaux comme les piastres qui avaient cours dans la Grande Ile. Il aura fallu une loi par le pouvoir colonial en 1916 pour faire adopter les billets de banque de 5 francs. Depuis, le Tsangan’olona s’est reconverti dans la tradition mystique pour apporter la pureté et l’émancipation dans la vie d’une personne.

Le Tsangan’olona : une pièce de monnaie, de l’argent, et des croyances

Les premières monnaies de Madagascar étaient principalement françaises au 17e siècle. Les échanges commerciaux entre les deux nations étaient alors basés sur le troc, une situation très favorable aux Français. « Ohatr’inona » signifie « combien cela coute » aujourd’hui. Ce terme avait été utilisé dans son sens littéral jadis : « l’équivalent de quoi ».

Avant l’utilisation de l’argent pour le commerce, des zébus, des vivres et aussi des esclaves étaient échangés pour des pacotilles. Quand les Malgaches ont pris gout à l’argent grâce aux transactions avec les navires qui passaient dans l’océan Indien, le roi Louis XIV a donné l’ordre de contrecarrer cette nouvelle habitude. Les cours des matières premières, des zébus et des vivres avaient augmenté.

De toutes les devises qui avaient cours sur la Grande Ile, c’est la piastre française qui a traversé l’histoire monétaire du pays. La pièce de monnaie de 5 francs était connue à l’effigie d’empereurs et de rois : Napoléon, Louis XVII, Charles X, Louis Philippe, Napoléon III. Son nom en malgache était une description de la pièce ou du personnage : malamakely, behatoka, mandrihavia, ampongabe.

A cause de la pénurie de monnaie divisionnaire, les piastres ont été coupées en petits morceaux dont la valeur correspondait à la taille. Au 18e siècle, les riches n’avaient pas seulement des terres, des esclaves et des zébus, ils avaient aussi de l’argent. « Les mpanarivo » qui possédaient plus de mille piastres étaient des gens puissants.

La relation des Malgaches avec l’argent était très mystique. Des défunts se font enterrer avec leurs piastres. La royauté a contribué à la mystification : quelque 22 000 piastres ont été fondues pour le cercueil de la reine Rasoherina en 1868. Les princes qui recevaient des pièces entières provenant des impôts devaient en donner une au nouveau souverain en signe d’allégeance, lors du bain royal et à chaque audience.

Le Tsangan’olona est différent des piastres de par sa valeur métallique. Cette pièce en argent a été conservée par ses possesseurs et ne circulaient pas beaucoup. Les Malgaches l’aimaient tellement qu’ils refusaient les billets avant que les colons ne les y obligent. Si les piastres et les pièces précédentes affichaient des portraits, sur le Tsangan’olona, on retrouve trois personnes debout. La symbolique de la justice et les inscriptions « Liberté, Egalité, Fraternité » sont secondaires.

Le mot « Tsangan’olona » a un sens figuré qui signifie faire lever le destin d’une personne. Ainsi, il y a un siècle, une personne accusée au tribunal lave son corps avec de l’eau sanctifiée par la pièce en argent pour que son innocence soit reconnue. Le métal argent est perçu par les Malgaches comme ayant une vertu purificatrice du corps et de l’âme. Le Tsangan’olona est très utilisée pendant les séances de Tromba ou de possession. Une personne qui se sent souillée par la saleté ou par la sorcellerie met la pièce de monnaie dans son eau avant de se laver.

Ces croyances ont favorisé le marché de cette pièce de monnaie ancienne qui n’a plus cours. Aujourd’hui, le Tsangan’olona se fait rare et coute entre 60 000 et 120 000 ariary (1 euro = 2900 ariary). Beaucoup de gens n’y voient que du métal en argent pour faire des bracelets ou des colliers.