lundi , 6 mai 2024
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Après la condamnation unanime des opérateurs en téléphonie et internet, c’est au tour du Groupement des opérateurs de télécom de dénoncer le projet de mise en place de la passerelle internationale unique des télécommunications reliant Madagascar avec le reste du monde. Le premier ministre et ministre des Télécommunications a fait part du caractère irrévocable de l’autorité de fait, prétextant un manque à gagner pour l’Etat.

Pour un peu de pactole et le pouvoir de contrôle, l’Etat HAT sacrifie le secteur TIC

Et si le manque à gagner n’était que le prétexte pour contrôler le contenu des télécommunications. A priori, rien ne justifie le monopole imposé qui ralentit la croissance dans ce secteur et qui assombrit un peu plus le climat des investissements à Madagascar. Le problème relève en réalité de l’exploitation de la Voix sur IP. Les réglementations malgaches sont restées floues sur les sujets. Fallait-t-il l’autoriser au grand public ou la faire payer par les entreprises. Entre-temps, la filière s’est développée avec l’installation de centres d’appel et l’abaissement des coûts de la communication internationale.  

Le GOTICOM rappelle que toute forme de monopole est mauvaise car cela augmente inévitablement les coûts des communications. Pour plaider contre cette mesure antiéconomique, le groupement affirme que les entreprises privées ont besoin de confidentialité dans le traitement des données. La remise en cause de cette confidentialité, par la possibilité de contrôle, rendrait Madagascar moins attractif pour les entreprises de call center et de data center.

Il n’a pas fallu deux semaines entre la prise de la décision par décret et le choix de la société privée. S’il y avait appel d’offre, il n’était pas public. Selon l’estimation de Goticom, l’opérateur en question serait Vocal Pad, une entreprise nichée dans un paradis fiscal dont le fond de commerce est l’exploitation de réseaux internationaux de voix sur IP. Cette société prévoit de facturer 5 à 15 centimes de dollars chaque minute de communication. Elle table sur un chiffre d’affaires de 20 millions de dollars annuels sur une période de 5 ans. Les opérateurs utilisant les liaisons internationales devront s’acquitter d’un frais d’exploitation de la passerelle à hauteur de 480 millions d’ariary par an.

Qu’est-ce que l’Etat a à gagner par cette passerelle unique. « Les opérateurs défendent leurs intérêts, l’Etat doit aussi défendre les siens, la passerelle unique est inévitable », avait-tonné le premier ministre Vital. Sur la prévision de 100 millions de dollars que rapporterait la passerelle unique sur la période de 5 ans, le trésor public va empocher 35 millions. Est-ce que l’Etat va aussi payer un tarif forfaitaire pour la mise en exploitation de ce réseau, c’est encore flou. La société adjudicateur de l’appel d’offre qui aurait été de gré à gré bénéficie en tout cas de facilités douanières. Ses investissements sont garantis parce que l’Etat malgache est tenu de racheter les équipements en cas de non-renouvellement du contrat.

Pour assurer 7 millions de dollars par an en faveur de l’Etat, les opérateurs, les grands utilisateurs du transfert de voix/données, les entreprises et les consommateurs malgaches vont subir le surcoût. Des doutes légitimes subsistent quant à l’octroi du marché à cette société dirigée par des chefs d’entreprises d’origine arabe, des partenaires de choix pour l’autorité de facto, dans un monde où les frontières sont virtuelles. Le ministre de fortune chargé des Télécommunications choisit de passer la marche arrière dans le développement des TIC à Madagascar. Déjà que Madagascar est réputé être le pays où le prix de l’Internet est le plus cher au monde.