jeudi , 2 mai 2024
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La bataille juridique du moment concerne l’abrogation « unilatérale » par Andry Rajoelina de la nomination du premier ministre de consensus, Eugène Mangalaza. La décision du Conseil d’Etat sera déterminante dans l’évolution de la crise politique dans le pays. Entre la logique et le non sens, il n’y a plus de frontières car il suffit de prendre une ordonnance pour faire la loi.

Premier ministre de consensus ou unilatéral : une décision « politique » du Conseil d’Etat

Le Conseil d’Etat a pris son temps avant de rendre une décision à propos du recours déposé par le premier ministre Mangalaza. Cette fois-ci, la ministre de la Justice, Christine Razanamahasoa, s’est retenue de faire pression sur ladite juridiction. Elle n’avait pas à le faire puisque entre temps, Andry Rajoelina redevenu président de la Haute autorité de la transition, avait nommé précipitamment un autre premier ministre. Le colonel Camille Vital est le remplaçant officiel d’Eugène Mangalaza alors que les autorités de fait avaient misé la veille sur un intérim assuré par la ministre de l’Intérieur Cécile Manorohanta.

Ainsi, le Conseil d’Etat n’est plus tenu de rendre un jugement express dans un délai de trois jours. Contre toute attente, cette juridiction ne s’est pas prononcée sur la suspension de facto de l’abrogation de la nomination du premier ministre Mangalaza. Effectivement, le nouveau premier ministre de Andry Rajoelina a exercé ses fonctions sans tenir compte de ce détail juridique. Du côté de la HAT, l’argument est simple : la nomination d’un premier ministre est un acte de gouvernement et le Conseil d’Etat n’est pas compétent à juger l’affaire.

Tout n’est pas aussi simple et débat il y a. Andry Rajoelina avait-il le droit de changer lui-même la loi et de prendre cet acte de gouvernement contraire à ce qui a été reconnu comme la loi fondamentale de la transition, à savoir la charte de la transition consensuelle et inclusive de Maputo ainsi que l’acte additionnel d’Addis Abeba. Le Conseil d’Etat va-t-il mettre une balise au pouvoir absolu de Andry Rajoelina qui peut légiférer à souhait par voie d’ordonnance. Cette manière de gouverner en manipulant les lois enferme la HAT dans son unilatéralisme et la rapproche de plus en plus d’un régime autoritaire… de fait. 
 
La HCC ne paraît pas un recours salutaire pour délier le nœud juridique autour de l’actuelle crise institutionnelle. La Cour Constitutionnelle vient en tout cas d’approuver la légalité de la loi des Finances présentée par le gouvernement Vital. Certes, elle n’avait pas le temps d’analyser le fond sur le plan politique, se contentant de valider la forme. Cette décision favorable des juges constitutionnels pourrait valoir « reconnaissance » de facto du gouvernement unilatéral de la mouvance Rajoelina et du premier ministre Camille Vital.

Le Conseil d’Etat pourrait donc suivre la HCC. Cette juridiction est susceptible de rester dans sa propre logique, se référant à une décision qui pourrait faire jurisprudence. Le décret de la HAT visant révoquer les ambassadeurs a été suspendu. Le Conseil d’Etat a donc la possibilité de suspendre l’abrogation de la nomination du premier ministre de consensus Eugène Mangalaza et la nomination du premier ministre de la mouvance Rajoelina, le colonel Camille Vital. Ce sursis à exécution sera la bienvenue à un moment où le Groupe international de contact essaie de renouer le dialogue entre les mouvances et faire revenir à un schéma de transition consensuelle et inclusive. La crise institutionnelle à Madagascar s’enlise inextricablement dans une cacophonie juridique.