vendredi , 17 mai 2024
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Le bidouillage juridique des autorités de fait commence à exacerber certains politiciens et juristes. L’affaire Mangalaza a renforcé la crainte d’une dérive vers un régime totalitaire qui légifère à souhait. La HAT écarte le Conseil d’Etat de son chemin sans être inquiétée jusqu’ici par la Haute Cour Constitutionnelle.

Quand la HAT fait la loi et écarte le Conseil d’Etat de son chemin

La HAT veut gouverner sans contestation possible de qui que ce soit. En défendant la nomination d’un nouveau premier ministre, en la personne de Camille Vital pour remplacer le premier ministre de consensus Eugène Mangalaza, l’administration Rajoelina prend une décision radicale mais entièrement discutable sur le plan juridique. Elle modifie simplement la loi organique de la Cour Suprême pour ne plus être contesté devant le Conseil d’Etat. Difficile de recueillir un ainsi soit-il à chaque ordonnance.

L’ordonnance N° 2010-001 du 10 janvier 2010 modifie la loi organique N°2004-036 du 01 octobre 2004 relative à l’organisation, aux attributions, au fonctionnement et aux procédures applicables devant la Cour suprême et les trois cours qui la composent. La HAT veut à tout prix gagner dans l’affaire l’opposant au premier ministre Mangalaza et qui est en jugement. « Ne sont pas susceptibles de recours en annulation devant le Conseil d’Etat les actes de nomination de premier ministre et des membres du gouvernement », dit l’ordonnance ad hoc.

La HAT prend même des précautions pour le proche avenir. L’impossibilité de recours au Conseil d’Etat concerne aussi les actes concernant les rapports du gouvernement et du parlement, les actes relatifs à l’initiative gouvernementale en matière législative. Andry Rajoelina peut ainsi limiter toute opposition possible à son régime à un recours auprès de la Haute Cour Constitutionnelle. Il prend une revanche sur le Conseil d’Etat qui a sérieusement affaibli la notoriété de la HAT quand cette dernière avait voulu remplacer les ambassadeurs.

Par cette ordonnance N°2010-001, la HAT légalise sa stratégie de revenir à une transition unilatérale, fermant la porte du consensus demandé par la communauté internationale. Les actes mettant en cause les rapports du gouvernement avec un organisme international ou une puissance étrangère ne sont pas non plus possibles de recours. Exit donc la charte de Maputo et l’acte additionnel d’Addis Abeba.

La HAT a pris cette ordonnance car son autorité a été sans cesse remise en cause devant le Conseil d’Etat. En voici le motif officiel : « Les actes pris par les autorités relatifs aux rapport d’ordre constitutionnel bénéficient d’une immunité juridictionnelle et échappent de par leur nature à la compétence de toute juridiction administrative ou judiciaire ». Selon Ambohitsorohitra, ces recours concernent des actes importants émanant des plus hautes autorités administratives et pour lesquels les textes constitutionnels eux-mêmes accordent une large liberté d’appréciation. Pour rappel, Andry Rajoelina a réécrit la Constitution provisoire et en vigueur dans une ordonnance portant sur la réorganisation de la transition en décembre 2009.

En clair, la HAT tranche une bonne fois pour toute que l’acte de gouvernement est insusceptible de recours contentieux. Celui-ci concerne le rapport entre des pouvoirs constitutionnels ou entre le gouvernement et les entités internationales. L’administration Rajoelina a décrétée une loi sur mesure un jour avant le jugement de l’affaire l’opposant au premier ministre Mangalaza devant le Conseil d’Etat.

Me Hanta Razafimanantsoa, représentant le premier ministre Mangalaza, crie au scandale estimant que le texte a pour but d’empêcher un jugement légal. L’avocat Fredon Ratovondrajao, représentant l’Etat et mandaté par la Direction de la législation et des contentieux conclut que la messe est dite puisque la nouvelle loi de la HAT a un effet rétroactif.  Le Conseil d’Etat ne s’est pas encore prononcé et a reporté le jugement. Sans une intervention de la Haute Cour Constitutionnelle pour contredire la légalité de la loi de la HAT, la juridiction est obligée de se déclarer incompétente à juger, définitivement.