mercredi , 1 mai 2024
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Scénario ou rumeur d’un coup d’Etat : le régime fait son cinéma
Le sénateur Lylison, héros ou putschiste ?

Scénario ou rumeur d’un coup d’Etat : le régime fait son cinéma

Le régime Rajaonarimampianina est sur le point d’avoir son premier prisonnier politique, et ce n’est pas des moindres. Le sénateur élu, qui est aussi un colonel de la gendarmerie, Lylison René de Roland fait l’objet d’un avis de recherche et d’une interdiction de sortie du territoire. L’Etat met de plus en plus la pression sur les hommes clés de l’opposition officiellement pour tuer dans l’oeuf tout projet de déstabilisation et même de coup d’Etat.

On a vu à la télévision les forces de l’ordre françaises et belges quadriller tout un quartier, étant lourdement armées, pour faire une perquisition ou procéder à l’arrestation d’un terroriste après les attentats de Paris. Mercredi matin, à l’aube, même mise en scène à Antananarivo. Le quartier d’Andohanimandroseza a été envahi par des centaines, 300 selon les observateurs, de militaires, gendarmes et policiers. Une vingtaine se sont présentés devant le portail du sénateur Lylison. Ce dernier n’étant pas présent à son domicile, c’est son frère qui a ouvert la porte aux invités, après avoir négocié que les perquisiteurs ne soient pas trop nombreux. Au final, ils étaient six à fouiller le domicile du sénateur pendant au moins deux heures. Le butin fût maigre : trois talkie-walkie hors d’usage, pas d’armes ni de grosse somme d’argent, pas de tracts.

Appeler à faire une morte serait un crime ?

On soupçonne le sénateur Lylison d’actes de déstabilisation suite à son invitation de faire d’Antananarivo une ville morte. L’opération n’a pas réussi puisque les tananariviens ont connu une journée normale avec toutes les activités habituelles. Pourtant, tôt le matin, des individus avaient essayé de dresser des barrages dans les rues, une opération vite avortée par les forces de l’ordre. Antananarivo avait déjà connu l’état de ville morte mais c’était au cœur de forts mouvements populaires. « Une ville morte n’a rien d’illégale quand le peuple manifeste pacifiquement leur mécontentement. Ils ne font que rester à la maison », commente Haritiana R. sociologue et observateur de la vie politique. Cet acte civique peut être à l’initiative d’un leader politique, continue-t-il, soulignant que c’est un moyen silencieux d’expression démocratique.

Les autorités ont une tout autre vision de la situation : l’opération ville morte même si elle n’a pas abouti a occasionné des tentatives de troubles à l’ordre publics, notamment quelques barrages de fortune dans les rues. Elles interprètent l’appel du sénateur Lylison comme une incitation aux troubles et à la désobéissance civile, le soupçonnant de fomenter ni plus ni moins qu’un coup d’Etat. En tout cas, l’immunité parlementaire du sénateur n’a pas été levée alors que le parlement est en pleine session ordinaire. La député Mapar et ancien ministre de la Justice Christine Razanamahasoa crie au scandale, rappelant qu’une ville morte est une manifestation pacifique. « Le sénateur a appelé Antananarivo à observer un grand silence pour alerter les dirigeants sur la situation du pays. Il y a une disproportion entre l’exercice de la liberté d’expression d’un parlementaire et la réaction brutale de l’Etat », dit-elle. La députée rappelle que le SG de l’ONU, Ban Ki-Moon vient d’inciter les sénateurs de Madagascar à user de leur liberté d’expression.