mercredi , 1 mai 2024
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La loi d’amnistie est décidément la clé de la crise malgache qui perdure depuis le coup d’Etat militaro-civil de 2009. Elle est encore sujette à des négociations politiques qui sont plus que mal engagées. L’enjeu est la possibilité pour toutes les parties prenantes de se présenter aux élections. Le cas du président en exil Marc Ravalomanana et la réconciliation nationale sont les points clés des débats. Le mémorandum de la SADC a certes apporté des précisions, les interprétations sont toujours contradictoires.

Vers une amnistie sans réconciliation et à enjeu politique

Le projet de loi  préconisé par la SADC instaure une amnistie large pour les actes et évènements de 2002-2009. Les opposants civils et militaires mis en prison par le régime Rajoelina sont donc exclus, mais ils pourraient bénéficier d’un arrêt des poursuites judiciaires dans le but d’instaurer un climat de confiance et d’apaisement dans le pays.

Ce que dit le mémorandum

En aucun cas, la loi ne favoriserait l’impunité. Elle ne va pas empêcher la justice de juger des actes, délits ou crimes, qui ne sont pas de nature politique. Les criminels sont d’emblée exclus. De même, les personnes coupables de  violation grave des droits de l’homme, précisément d’un assassinat, enlèvement et torture.

Toutefois, la notion de crime liée à la prise d’un pouvoir politique qui serait amnistiable est un peu floue. Cela amnistie les putschistes et non pas celui qui a le pouvoir légal. Et quand celui qui n’a pas le pouvoir légal fait des morts dans la répression, le non-lieu est décidé avant même le tribunal.

Le nombre de morts risque d’être un argument politique. Les opposants qui ont péri sous la répression de la HAT ne seront pas aussi nombreux que les victimes lors de la tentative de la prise du palais présidentielle le 07 février 2009 quand l’assaut de la foule devant le portail a été repoussé par des tirs.

L’amnistie ne sera pas accordée automatiquement. Il faut en faire la demande. Là, le comité qui va décider sera encore l’objet de convoitise. Les victimes des violations des droits de l’homme pourraient demander à ce que l’amnistie ne soit pas accordée à une personne. Une manipulation est encore possible sur ce point.

Le cas Ravalomanana, l’enjeu politique

La SADC n’a pas tranché ni arbitré les débats. La loi d’amnistie sera un instrument politique qui servira au régime HAT pour écarter ses opposants, en particulier Marc Ravalomanana, ou au contraire, qui permettra à sa mouvance de faire revenir aux affaires le président renversé.

Le retour au pays sans condition de tous les exilés politiques est confirmé. Andry Rajoelina a déjà fait part sans détour de son petit calcul : que cette loi ne permet en aucun cas à Marc Ravalomanana de refaire de la politique et surtout de se porter candidat aux élections.

Celui qui a pris le pouvoir avec l’aide d’une frange de l’armée en 2009 est revenu sur sa «parole d’homme », prononcée en mai 2010, de ne pas se porter candidat. Depuis, il a modifié la Constitution pour abaisser l’âge requis pour la présidentielle à 35 ans, comme s’il était légitime de donner à un adolescent de 13 ans, qui n’est plus un enfant, le droit de vote. Avec un parlement désigné en sa faveur, Andry Rajoelina pourrait sur le papier parvenir à éliminer définitivement son rival.

Pour Guy Maxime Ralaiseheno, membre du CT, « Marc Ravalomanana n’est pas concerné par cette loi d’amnistie à cause du tribunal incompétent qui l’a jugé, c’est une violation de la Constitution vu qu’il n’y a que la Haute cour de justice qui juge un président ».

Un débat sur l’adoption de la loi

Ce n’est pas la première fois que Madagascar va adopter une loi d’amnistie. Il est admis que les anciennes lois n’ont pas respecté les normes internationales. Le projet de loi est passé au conseil de gouvernement qui se donne une journée et demie pour se pencher sur l’amnistie et la réconciliation nationale.

« Ce qui est difficile c’est la convocation des parlementaires, car ce n’est pas une période de session ordinaire », a déclaré le premier ministre Beriziky. Il s’excuse d’avance que le délai du 31 mars instauré par la SADC ne pourrait être une nouvelle fois respecté.

Pour la mouvance Zafy, ce projet de loi est précipité. « Cette loi est une perte de temps, elle ne va pas apporter l’apaisement ; quoi que nous fassions s’il n’y a pas d’apaisement, il y aura toujours de nouvelles crises » a prévenu Lalatiana Ravololomanana. Pour le camp du professeur, « c’est le Comité de réconciliation nationale qui doit œuvrer d’abord pour la réconciliation des Malgaches, quand ce sera fait, on devra par la suite se pencher sur l’amnistie ».

Andry Rajoelina a signifié une impossible réconciliation avec des gens qui lui ont mis des bâtons dans les roues et qui pour la énième fois auraient tenté de l’éliminer. Le TGV essaie d’éliminer ses adversaires en les faisant passer pour des assassins. On est bien dans le débat de l’amnistie.