samedi , 20 avril 2024
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Tuléar est la localité qui présente le plus lourd bilan après le passage du cyclone Haruna. On y a dénombré 11 des 13 décès recensés, 22 disparus et 32 blessés. Quelque 7000 sinistrés et 3000 sans abris dans les deux districts Tuléar I et II, 18 écoles et 12 bâtiments publics endommagés sont à déplorer. Retour sur un incroyable naufrage de la ville du soleil.

Cyclone Haruna, le naufrage de la ville de Tuléar

« Nous avons vu des corps, d’adultes et d’enfants emportés par les eaux, mais on n’a pu rien faire. Nous n’avons pas de nouvelles de certains membres de notre famille. On a passé la nuit à dormir dans les arbres de tamariniers », a témoigné un habitant de Tuléar, choqué par la catastrophe qui vient de s’abattre sur la ville. La dernière grande inondation remonte à 35 ans.

Ces dernières années, la ville de Tuléar a déjà plusieurs inondations inquiétantes lors de fortes intempéries. Les canaux d’évacuation d’eau défectueux ou bouchés ainsi qu’un plan d’urbanisme désuet étaient mis en cause. Quand le cyclone Haruna a frappé le week-end du 23  février 2013, c’est le déluge. De la voiture 4×4 garée dans une rue, on n’aperçoit que le toit. Le niveau des eaux dépasse le mètre cinquante dans les quartiers les plus touchés.

Anketraky, Andalavay, Antaninarenina, Andaboly, Ambohitsabo, Antongobory, Ankenga, Ankilifolo, Ankabo, Antaravay émergent à peine de l’eau. Pour se déplacer, dans les rues de la ville, les pirogues de pêcheurs sont de sortie, remplaçant les pousse-pousse. Les plus téméraires nagent dans les rues, s’aidant d’un grand pneu en guise de bouée. Dans les quartiers qui sont les moins touchés, il est possible de se déplacer à pied pour les adultes de grande taille puisque l’eau n’arrive qu’au niveau du buste.

Les gens n’ont plus que le toit pour s’abriter, veillant sur les biens qui ont pu être sauvés de l’eau. La plupart des habitants de ces quartiers ont dû quitter leur domicile pour chercher refuge sur un monticule de terre. C’est la rivière habituellement asséchée de Fiherenana, là où il y a un immense pont au dessus de quelques ruisseaux, qui a été la cause du ravage.

Cette catastrophe montre aussi le danger caché des projets d’infrastructure mal réalisés. Des buses non remplacées lors d’une réfection de route, des digues mal construites et des évacuations d’eau insuffisantes, sans oublier une mer qui a tendance à entrer dans la ville, tout est réuni pour que Tuléar, la ville du soleil, soit naufragée. Qui aurait pensé que la rivière de sable de Fiherenana allait déborder de son lit. La digue devenue inutile durant plus de 20 ans a cédé face au déferlement venu du delta.

Travaux d’urgence impossibles

Au lendemain de la catastrophe naturelle qui a frappé la ville de Tuléar, le président de la transition a fait le déplacement pour réconforter la population. Pas de bain de foule dans l’eau pour Andry Rajoelina venu constater de visu la situation. L’Etat a débloqué 1,2 million d’euros pour réhabiliter la ville de Tuléar, en particulier ses rues. Le rétablissement de l’approvisionnement en eau et en électricité est une urgence.

Le ministère des Travaux publics n’a pas les moyens de réagir en urgence mai a pu solliciter 300 millions d’ariary auprès de la BAD pour colmater les brèches. Une réparation des digues et des évacuations d’eau est estimée à 5 milliards d’ariary.
Il est impossible d’intervenir pour effectuer les travaux d’urgence sans attendre la décrue. Lundi, deux jours après l’apocalypse, les eaux commencent à se retirer et ne sont plus qu’à 50 cm dans certains quartiers. Le souci est que l’eau ne coule pas sur une surface plane.

La brèche sur la digue n’est pas encore accessible et le delta de Fiherenana se montre toujours aussi menaçant. Les tuléariens ont les yeux rivés au ciel scrutant un possible retour de la pluie qui pourrait prolonger le cauchemar. La ville qui ne dort jamais ne pourra pas dormir tranquille ces prochaines semaines.