jeudi , 25 avril 2024
enfrit
Depuis plusieurs décennies, les mélodies et le rythme ne changent pas. Le message varie selon les circonstances. Mais cette forme d’opéra malgache suscite toujours l’intérêt. Au fond, elle pourrait relancer une nouvelle cohésion sociale. Sauf que dans les grandes villes de Madagascar, marquées de plus en plus par un certain clivage social et politique, elle n’est jamais suffisamment appréciée.

Hira Gasy : L’opérette traditionnelle transforme les mentalités

 

La mort des « Rois » n’y aura pas changé grand-chose. Des grands du Hira Gasy, comme Ramilison, viennent de disparaître, mais le spectacle folklorique malgache continue de drainer la foule, surtout en milieu rural. La passion est toujours aussi vivace.

 

Hery et Francis dansent comme de vrais professionnels. Tous les deux sont âgés de 14 ans. La foule applaudit. Les jeunes garçons gesticulent, sautillent, comme dans les cirques. Puis, ils ramassent les billets et les pièces que les spectateurs lancent en guise de reconnaissance. Sur cet espace de la plaine d’Ambohimandroso, à un peu moins de 100 km au sud de la capitale, les festivités sont généralement accompagnées de Hira Gasy.

 

En cette fin du mois d’avril, la saison du Hira Gasy, n’en est qu’à ses débuts. On peut le dire. A compter du mois de mai, les spectacles sont plus fréquents. Jusqu’à la prochaine saison de pluie, vers octobre.  

 

A Ambohimandroso, c’est la fête au village. La foule se rassemble autour des troupes, sur un terrain vague près d’une rizière. Ce jour-là, comme à l’accoutumée, deux troupes s’affrontent. Ce n’est pourtant qu’une façon de parler. C’est une compétition symbolique qui s’offre au public. Au fond, ni vainqueur ni vaincu. Les deux troupes ont ainsi l’occasion de donner le meilleur d’elles-mêmes.

 

Au début, c’est la tradition, le doyen, ou le chef de troupe, s’adonne à une rhétorique, à la fois drôle mais, la plupart du temps, moralisatrice. Dès les premières phrases, le public découvre un pan de l’âme malgache. La symbiose s’installe facilement entre les artistes et les spectateurs. Le Hira Gasy, ici, est une véritable forme de communication sociale.

 

Les artistes en sont normalement des véritables acteurs de la vie sociale. Malgré leur simplicité. Ce sont généralement des ruraux. « Les mpihira gasy ne vivent pas uniquement des spectacles, nous sommes tous, dans la plupart des cas, des cultivateurs », explique Rahetilahy, entre deux entractes.

 

Le code vestimentaire est plutôt surprenant. Les artistes s’habillent d’une espèce de redingote, rouge, avec des galons quelquefois pour les hommes. Les femmes portent des robes longues. « Les mpihira gasy n’étaient pas toujours habillés de la sorte, c’est un prince anglais qui les a découverts autrefois au palais de la Reine qui leur a importé ce genre d’habillement. Et la tradition a été maintenue » affirme Hariniaina, universitaire qui s’est penché plus particulièrement sur cette opérette spécifique.

 

« Si les messages transpercent les cœurs, Madagascar et les Malgaches n’en seraient pas au point où nous en sommes » soutient-il. Avant de poursuivre : « Le Hira Gasy véhicule un message de paix et d’unité, des valeurs que les citadins étaient prêts à ranger dans les placards » conclut l’universitaire.      

 

Dans le milieu rural, le Hira Gasy continue à modeler, visiblement, les mentalités. Ce n’est effectivement pas le cas dans les grandes villes. Le Hira Gasy est pourtant originaire des hauts plateaux malgaches. L’opérette est passée de spectacle de palais à mélodie des champs.