mercredi , 24 avril 2024
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Durant la tradition, depuis 2009, les Malgaches ont perdu beaucoup de leurs valeurs traditionnelles et de leurs repères républicains. L’Etat de non droit coûte beaucoup à la société, le pays étant balloté entre la dictature et l’anarchie. Les crises entre les forces de l’ordre et la justice se multiplient avec deux affaires où il y a eu mort d’hommes : la rébellion meurtrière des policiers à Tuléar et le pacte qui a appliqué la peine des morts sans procès à Ikongo.

Justice et forces de l’ordre, la désacralisation des repères républicains

L’affaire Michel Rehavana a ébranlé le milieu judiciaire au point de donner au syndicat des magistrats des intentions  étranges pour régler son compte à celui qui va se mettre sur son chemin dans son désir de voir leur confrère vengé par la loi. Le substitut du Procureur à Tuléar est décédé durant sa prise d’otage par des policiers. Les versions ne sont pas concordantes sur les circonstances. La police prétend une mort subite, visiblement par arrêt cardiaque, alors que le syndicat des magistrats défend la thèse des coups et blessures ayant entraîné la mort.

Des forces de l’ordre hors la loi

Dans tous les cas, la victime a été tabassée par les policiers. Le magistrat a été humilié, contraint à s’agenouiller devant le portail de la prison et forcé de remettre en liberté un policier qui vient d’écoper d’une peine de 5 ans ferme. Les policiers impliqués n’ont pas accepté que leur collègue soit condamné, arguant que celui-ci a perdu son arme et ne l’a jamais vendue ni prêtée à des bandits. Ils sont venus armés à la maison d’arrêt de Toliara et tiré des coups de feu. La ministre de la Justice a condamné cette rébellion et la violence qui a entraîné la mort du magistrat. Le syndicat a décidé de fermer tous les tribunaux jusqu’à ce que les coupables soient arrêtés et réclame la tête du ministre de la Sécurité intérieure qui était sur place, mais n’a pas pu empêcher les écarts de ses hommes.

Cette révolte des forces de l’ordre est une tendance depuis que la HAT a composé avec les forces armées pour prendre et garder le pouvoir. Les armes ont donné des droits particuliers. En 2009, un cas quasi-similaires avait déjà eu lieu à Tuléar. Trois gendarmes ont été incarcérés, accusés de corruption. Une quarantaine de gendarmes étaient venus armés pour les faire sortir de prison. L’affrontement a été évité de justesse. Les forces de l’ordre ont du mal à se soumettre sous toute autre forme d’autorité et ne se croient pas êtres des justiciables.

Justice populaire et peine de mort

A Ikongo, l’affaire en est autre puisque, c’est la justice qui suscite des interrogations. Au banc des accusés, ce n’est pas les forces de l’ordre, mais les notables de la localité qui ont instauré une loi locale dénommée « Dina hentitra », se voulant être très stricte. Sans aucune forme de procès, le coupable est exécuté par la décapitation. De telles pratiques macabre ont été adoptées pour décourager le vol d’ossements dans les tombes, dans cette partie de la région Vatovavy Fitovinany. Seulement, cette règle complètement illégale a été appliquée pour des cas de vol ordinaire et aussi pour régler des comptes personnels.

La gendarmerie locale a déploré 12 exécutions sommaires. Elle a arrêté une dizaine de personnes avec trois chefs d’inculpation : meurtres, application d’un « Dina » illégal et non avalisé par le tribunal et tentatives de meurtre. Pour éviter toute tension sociale, puisque des notables et des chefs traditionnels font partie des inculpés, l’affaire a été jugée à Fianarantsoa. A la surprise générale, les 10 accusés ont été libérés par le juge. La gendarmerie parle d’une affaire qui sera bientôt classée.

La décision du juge reste incompréhensible. Elle a surtout pour effet d’encourager la justice populaire sous forme de vindicte et de lynchage.  En mai 2011, Ikongo a déjà été le théâtre d’une exécution barbare quand plus de 2000 personnes avaient contraint le gardien en chef de la prison à leur livrer deux voleurs. Malgré l’opposition du procureur et l’interposition de la brigade de la gendarmerie locale, les deux coupables ont été lynchés à mort avant d’être crucifiés. Le sens de la justice et de l’autorité se perd à une époque où la loi n’est plus qu’un concept abstrait.