vendredi , 19 avril 2024
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Les patrons de presse ont uni leur voix pour dénoncer le manque de transparence et certaines décisions douteuses de l’Etat dans le secteur audiovisuel. Les nouvelles stations de télévision et de radio de la commune urbaine d’Antananarivo, le flou sur le gel et l’octroi de licence, le traitement inégalitaire face au fisc et un refus collectif du passage forcé vers TNT ont été les sujets phares de la déclaration commune. Même si son nom n’a jamais été cité, c’est l’autorité du ministre de la Communication sur la question qui est remise en cause.

Laxisme sur les licences, concurrence déloyale, projet TNT douteux : des agitations autour de l’audiovisuel

Les stations Antananarivo Télévision & Radio ne sont pas les bienvenues dans le paysage audiovisuel malgache. Les patrons de presse ont vivement critiqué les chaînes de la mairie de la capitale qui selon eux n’assurent pas que sa mission de service public. Ils dénoncent un octroi irrégulier d’une nouvelle licence dans une forme détournée. Dans un communiqué, ils rappellent que l’Etat avait suspendu 80 licences en instance en 2010 et que le président de la République avait décidé après son entrée en fonction de continuer le gel des autorisations d’émettre. « A priori, c’est par un appel d’offres que l’on attribue une licence, cela n’a pas été le cas avec l’ATV et l’Antananarivo Radio », s’insurgent les patrons de presse qui craignent un effet tache d’huile. « Il y aura un nombre incommensurable de chaines ».

Pourquoi donc cette fronde contre des chaines de service public ? Les acteurs de l’audiovisuel malgache fustigent un prétexte pour avoir une licence alors que le contenu ressemble fortement à une chaîne généraliste. « Ces chaînes prétendues de service public viennent concurrencer les chaînes commerciales », martèle Lalatiana Rakotondrazafy de Free FM. Des programmes de divertissements attirent les annonceurs. Epinglée timidement par le ministère de la Communication, l’ATV avait été rappelée à l’ordre, sans conséquence. Le directeur de la Communication avait soutenu que cette télévision qui se présente comme étant de service public n’avait pas à diffuser des films ni des clips. Ce qui n’a pas empêché la CUA d’inaugurer en grande pompe ses stations audiovisuelles et de continuer comme avant. « Nous avons besoins d’attirer les citoyens afin de les éduquer », se justifiaient les dirigeants de la chaine. « Nous payons des impôts sur l’argent que nous gagnons », a déclaré Nicolas Rabemananjara de la Tv Plus. Ce qui ne serait pas le cas d’une chaîne pseudo de service public. Les patrons de presse dénoncent par ailleurs des traitements inégalitaires sur la taxation de la diffusion publicitaire.

Freiner le projet TNT dans son sprint final

Les revendications des patrons de presse du secteur audiovisuel portent aussi sur le basculement programmé des chaînes de télévision dans le TNT. « Nous n’avons même pas été consultés alors que nous sommes censés intégrer ce système », s’étonne Mija Randriatsarafara de la Kolo Tv. Malgré la campagne de communication à la télévision nationale sur une incontournable mesure prise par le ministère et sur le sérieux d’une société chinoise qui va devenir le diffuseur unique, les propriétaires de chaine de télévision restent très sceptiques. « Quelles dispositions vont régir l’opérateur de télédiffusion chinois », se demandent-ils. Les craintes relèvent aussi du droit de diffusion prélevé par le détenteur du monopole vu que cela s’élève à 22 000 dollars à l’Ile de La Réunion. « Déjà, l’Etat malagasy devra payer 189 millions de dollars pour passer à la TNT, est-ce que c’est une priorité », a contesté Nicolas Rabemananjara. Il ne trouve aucune raison de précipiter les choses en 09 mois alors que le basculement a pris 06 ans dans un pays comme l’Allemagne.

Le TNT est un gros business puisque les ménages devront payer le nouveau décodeur annoncé à environ 100 000 ariary. Un million d’unités représentent donc un chiffre d’affaires de 100 milliards d’ariary. Cette manne financière rend suspect l’empressement des autorités à boucler l’affaire en juin 2015, le choix du prestataire StarTimes étant entériné. Sur le papier, il y a des avantages techniques indéniables puisque les chaînes de télévision auront accès à une diffusion nationale sans investir dans l’achat d’un émetteur puissant et sans débattre avec la loi. C’est le dessous économique qui fait débat. Cette mutation vers le numérique avait été pourtant initié en 2006 quand Madagascar a pris l’engagement d’abandonner les canaux UHF en juin 2014 et le VHF en juin 2020 dans le cadre de l’Accord régional de l’Union Internationale des Télécommunications. En décembre 2013, c’est l’équipe de l’ancien ministre de la Communication Harry Rahajason qui a signé au nom de l’Etat une convention sur l’installation et l’exploitation d’un réseau unique de transmission et de diffusion d’un bouquet d’offres de télévision numérique. La société chinoise StarTimes aura le monopole. Même s’il s’agit d’une compagnie a priori low coast, les patrons de presse malgaches craignent une implosion des prix dans le futur.