Ils seront 10 000 chanceux à intégrer la fonction publique sur les 75 000 en activité dans tout Madagascar. C’est carrément une mauvaise nouvelle pour l’association des maîtres FRAM, diminutif de la traduction d’une Association des parents d’élèves. Ces enseignants de fortune qui gagne un salaire de misère de 50 000 ariary mensuel, parfois un peu plus, sont payés par les parents d’élèves. « Notre revendication est simple : que l’Etat embauche tous les maîtres FRAM, les 75 000 sans exception, et que l’enseignement public redevienne gratuit », martèle Elidio Randrianjafy , président de l’Association FRAM. Des représentants de ces enseignants sans contrat font depuis plusieurs jours un sit-in dans la cour du ministère de l’Education nationale. « Il faut leur laisser la liberté de s’exprimer, relativise le ministre Paul Rabary. Ils utilisent de la sonorisation, c’est perturbant dans un ministère, mais on tolère ».
Derrière cette attitude tolérante qui l’honore, le ministre reste inflexible sur les revendications des enseignants FRAM. « Est-ce que vous pourriez croire qu’il serait possible d’embaucher 75 000 enseignants en même temps, demande-t-il aux journalistes. L’Etat a déjà fait preuve d’une grande volonté en intégrant 10 000 dans la fonction publique ». La revendication des maitres FRAM n’est plus techniquement réalisable en 2014, car la création de poste budgétaire est décidée dans la loi de finance. Non prévu en début d’année, le recrutement de ces enseignants a été rendu possible dans la loi rectificative de finance.
Le système FRAM établit un paiement de frais de scolarité en début d’année scolaire et non. Ce n’est pas un écolage acquitté mensuellement comme chez les écoles privées. Dans ce contrat entre les enseignants et les parents d’élèves, les cotisations versées à la caisse de la FRAM varient pour chaque école primaire ou collège. « On espérait que cette année, avec le nouveau président, on n’allait plus payer le professeur, au contraire, on va payer plus que l’année dernière », se lamente Voahangy, veuve, mère de six filles et âgée de 40 ans. Avec son salaire de lessiveuse et de bonne à tout faire chez plusieurs patrons, il lui est impossible de payer 20 000 ariary pour chacun de ses deux enfants scolarisés. « La dernière qui est âgée de 7 ans me supplie de l’inscrire à l’école, deux enfants, c’est déjà impossible, soupire-t-elle. J’ai deux autres filles adolescentes qui n’ont jamais mis un pied à l’école, j’ai peur pour leur avenir. Mon aînée a arrêté l’école avant le CEPE et on m’a demandé sa main alors qu’elle n’avait que 16 ans et je suis devenu grand-mère l’année suivante ».
Voahangy a retrouvé le sourire quand elle a appris qu’elle aura trois enfants inscrits à l’école à la prochaine rentrée. « Un de mes patrons est une personne très généreuse, il a proposé de payer les frais de scolarité de l’une de mes filles, celle qui va passer le CEPE, et il lui a même offert les fournitures scolaires ». Le bon samaritain n’est pas à son premier parrainage. « J’ai raconté cela à une autre patronne qui a trouvé l’idée merveilleuse, comme elle a aussi des enfants à scolariser, elle m’a avancé la somme qui sera prélevée sur mon salaire jusqu’en décembre pour que je puisse inscrire la deuxième ».
Grâce à la générosité et à la solidarité, Voahangy pourra inscrire à l’EPP sa petite dernière par ses propres moyens. Mieux vaut tard que jamais. Le parrainage d’un élève est un engagement personnel et citoyen permettant d’augmenter le taux de scolarisation et de réduire le taux d’abandon scolaire. Que l’Etat n’oublie pas pour autant son devoir de fournir un enseignement gratuit dans toutes les écoles publiques. Et le ministre de l’Education nationale de rappeler la dure réalité : « gratuit ne veut pas dire que les parents ne vont pas payer (sic). Il y a le système FRAM à Madagascar ». Malgré des sorties médiatiques diamétralement opposées, il y aurait du dialogue entre les deux parties. La rentrée scolaire 2014 ne devrait pas être compromise par une éventuelle grève générale des maîtres FRAM. C’est ce que le ministère essaie de faire croire.