vendredi , 19 avril 2024
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Deux jeunes femmes mortes au cours de ce mois d’octobre. Le paradis libanais promis par les agences de placement aux travailleuses malgaches se révèle de plus en plus être un enfer. Le tabou est levé sur le calvaire que peuvent rencontrer ces employées parties tenter leur chance dans un pays lointain et inconnu, pour un salaire mensuel de 150 dollars.

Liban : l’eldorado se termine par la mort tragique pour deux jeunes malgaches

L’aventure libanaise s’est terminée de façon tragique pour Vololona et Mampionona. Les points communs entre ces deux jeunes femmes fauchées en pleine jeunesse ne manquent pas. Elles sont toutes les deux mères de famille et ont tout quitté pour aller travailler à l’étranger. Elles sont mortes de la manière : une chute de plusieurs étages. Pour Mampionona, la thèse de l’accident de travail est avancée. Elle serait tombée du troisième étage alors qu’elle était en train de laver les vitres. Cette version a été confirmée par l’agence de placement à Madagascar.

L’histoire n’est pas aussi simple. Partie au Liban, il n’y a pas si longtemps, c’est-à-dire le 01 septembre dernier, Mampionona avait des contacts téléphoniques réguliers avec sa famille. La jeune mère de 21 ans aimait rassurer sa mère et a même envoyé à cette dernière de l’argent. Elle avait juste dit que le travail est dur, qu’elle dort très tard, travaillant parfois jusqu’à 2 heures du matin. La famille de Mampionona n’a pas encore de nouvelle sur le rapatriement du corps. Elle espère que cela sera fait puisque qu’une autre jeune fille décédée au Liban vient d’être rapatriée.

C’est auprès de l’un de ses oncles que Mampionona confiait son enfer au quotidien. Le travail de femme de ménage au Liban est éprouvant sur le plan physique que psychologique. Dans un état de fatigue, de surmenage et de stress, laver des vitres au troisième étage donne forcément le vertige, ce qui corrobore la thèse de l’accident. Sa famille demande des explications. Elle espère plus d’informations dont les documents concernant cette tragédie comme un rapport d’autopsie ou un rapport de police disparition.

Les circonstances du décès de Vololona ne sont pas très claires Elle aussi, elle a fait une chute mortelle, étant tombée du quatrième étage. L’agence de placement au Liban avait affirmé que c’était un suicide. Une affirmation bien trop légère pour apaiser la douleur de la famille. Cette dernière reste très discrète. Elle a déjà pu récupérer le corps de la défunte, arrivé au pays dimanche dernier.

Après ces deux décès largement médiatisés, les langues se délient pour évoquer ouvertement les risques de mauvais traitements des travailleuses malgaches au Liban. Les agences de placement tentent de rassurer en affirmant qu’elles prennent toujours des dispositions en cas de plainte d’une employée. Pas de mesure claire, mais en tout cas, l’agence partenaire au Liban peut faire venir la plaignante à son bureau et la placer chez un autre employeur si besoin est. A Madagascar, les agences sont au courant de ces mauvais traitements : cela peut être le non paiement de salaire par le patron, la privation de nourriture, des cas de viol même si c’est très rare, la violence physique…

Le Liban est un eldorado pour les jeunes familles issues des bas quartiers ou de famille modeste. Elles sont dans la plupart des cas sans diplômes, au mieux le BEPC, et sans qualification. Rares sont celles qui parlent couramment le français. Ces travailleuses sont attirées par un salaire de 150 dollars mensuels qui, convertis en ariary, vaut 4 fois le SMIC malgache. Elles sont 4000 à être candidates au départ en 2009. Leur contrat est visé par le ministère du travail et le consulat de Madagascar au Liban. La mort tragique de Mampionona et de Vololona a écorché définitivement l’image du travail de rêve dans ce pays du Moyen-Orient. D’autres décès auraient déjà eu lieu mais la discrétion voulue par les familles arrange les agences de placement.