Après le couac de 2010, le grand rendez-vous de la francophonie ayant été retiré à Madagascar à la suite du coup d’Etat de 2009 et de la non-reconnaissance internationale du régime de transition de fait, le nouveau pouvoir démocratiquement élu espère rectifier le tir. Pour l’instant, seuls Madagascar et Haïti ont fait part de leur candidature pour recevoir le Sommet de 2016. L’Administrateur de l’OIF a apprécié la forte motivation du président Hery Rajaonarimampianina qui lui aurait déclaré « il me faut ce Sommet ». A part les objectifs politiques et diplomatiques, ce grand évènement devrait avoir un impact positif sur les plans éducatifs et culturels. L’OIF veut lancer un programme de formation des maitres afin d’améliorer l’enseignement du français à Madagascar, « avec le respect de la langue malgache ».
Les malgaches apprennent le français à l’école et les élèves sont censés le maitrisée à leur entrée en 6ème. Sur les 60% des 22 millions d’habitants qui sont lettrés, environ 13 millions d’individus, 1,5 million maitrisent complètement le français. Cette statistique n’a rien de scandaleux puisqu’au moins la moitié des instruits comprennent et lisent le français. Cette langue seconde n’est pas étrangère aux malgaches. Elle est présente dans la vie de tous les jours dans les médias, chez les commerçants, sur les lieux publics… La sphère médiatique a mis longtemps pour croire en un journal uniquement en malgache et destiné à ceux qui ne lisent pas le français, la langue que préfèrent les annonceurs.
Avoir un niveau fonctionnel, avec les bases nécessaires pour communiquer même de façon sommaire, est déjà suffisant. « Je ne parle pas très bien le français mais je me débrouille, sinon le patron n’aurait jamais accepté que je tienne la boutique », témoigne Rova 28 ans, employée dans un point de vente de produits artisanaux. « Il ne suffit pas de dire le prix, il faut présenter ce que c’est, qui l’a fabriqué et comment », dit-elle. Le niveau de français est un critère de recrutement à tous les postes dans une entreprise. « On n’exige pas les mêmes capacités linguistiques chez un directeur commercial et un comptable, mais l’entretien d’embauche se fait toujours en français, explique un consultant en Ressources humaines. Il y a des fonctions où le français doit être impeccable à l’oral comme à l’écrit comme les métiers de l’accueil et de la communication ».
Etre très bon en français, peut aider quand on n’a pas le diplôme universitaire requis ou pas de diplôme du tout. Ando Lalaina, 27 ans, n’a que le baccalauréat et elle a un bon salaire qui ferait envie à un Bac+4. « Mon agence de rédaction recrutait des Bac+3 ou plus, je n’ai pas hésité à envoyer ma candidature, une bonne lettre de motivation puis un test concluant et le tour est joué, je suis officiellement une rédactrice sénior », confie-t-elle avec non sans fierté. « J’ai une très bonne culture française et cela aide dans mon métier », ajoute-t-elle.
« Ridelux », « réparasion amorticeur », « coifure », « avendre », « toilette »… les fautes de français s’affichent au grand jour. On ne peut pas dire que l’on s’achemine vers la créolisation du malgache mais le phénomène « vary amin’anana » ou cette manie de mélanger le français avec la langue locale, officielle ou dialecte, prend de l’ampleur. « On ne sait plus parler le français ni le malgache correctement, se désole Mme Honorine, professeur de français. Le mauvais exemple vient de la télé, Si les personnes érudites et ayant une fonction importante ne savent pas faire une phrase en malgache sans dix mots en français, où va-t-on ? ». Pour cette enseignante ayant 20 ans de métier, « il vaut mieux l’alternance codique, c’est-à-dire passer du malgache au français sans mélanger les deux langues ». Le premier ministre appréciera. Il aurait donc raison de parler français au lieu de massacrer un malgache officiel qu’il a quelque peu oublié après 30 ans passés à l’étranger. Par contre, Roger Kolo parle très bien le dialecte sakalava ; la preuve qu’on garde toujours une part de son identité linguistique.