jeudi , 28 mars 2024
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Beaucoup de malgaches vivent aujourd'hui dans un état de pauvreté presque totale. La vie de la famille Rajaona est significative.

Menacés d’expulsion, ils survivent dans la crise.

Rajaona était machiniste dans une zone franche textile. Sa femme y travaillait également. Ils touchaient à eux deux un peu plus de 400.000 Fmg (57 euros) par mois. Ils se rendaient au travail très tôt le matin, dès 5 h 45 au plus tard pour ne terminer que vers 20 h le soir.
Pas de transport du personnel, il fallait rentrer à pied ou prendre le bus. Ce déplacement leur coûte plus de 100.000 Fmg (14 euros) par mois, et ce sans compter les 80.000 fmg (11 euros) par mois pour le transport des quatre de leurs six enfants qui fréquentent une école, publique et non payante, située à 5 km de leur favela.

La famille Rajaona loue une petite maison d’une chambre étriquée louée à 125.000 Fmg ( 18 euros) et réserve chaque jour un peu plus de 7000 Fmg (1 euro), soit 210.000 Fmg (21 euros) par mois pour la nourriture.

S’endetter pour survivre !

La dépense générale dépasse la recette. Il lui faudra encore chercher un surplus de 115.000 Fmg (16 euros) au minimum pour combler le manque à gagner
et honorer les dettes que la famille contractent au cours du mois. Ces coûts ne concernent que le minimum vital de la famille Rajaona, les habits, les médicaments et le savon n’ont pas été comptabilisés dans ce calcul. Son foyer ne bénéficie pas de courant électrique, Rajaona doit penser aux bougies. « Notre salaire ne nous a jamais suffi. Il ne nous nourrit même pas. Tous les mois, nous nous endettons pour pouvoir survivre. Il ne s’agit pas de mauvaise gestion mais d’insuffisance de ressources. Il y a des fois où nous mangeons peu, où nous devons marcher à pied. Il nous est impossible d’épargner, nous travaillons seulement pour la nourriture », déplore le père de famille.

Le chômage n’arrange rien

Ce ménage s’est habitué à ce train de vie depuis 1997 où Rajaona et sa femme ont commencé à travailler à l’usine. Au mois de février, ils l’ont simultanément perdu, au début de la crise économico-politique. La zone franche qui les a embauchées a définitivement fermé ses portes. Ils n’ont plus par conséquent de ressources régulières. Leur recette tombe à zéro actuellement et tend vers le négatif.

 » J’ai toujours essayé de frapper à la porte des sociétés de confection pour chercher de travail mais en vain la plupart ont déclenché le chômage technique « , explique le chef de famille. Depuis deux semaines maintenant, il gagne de l’argent en faisant des petits métiers : petite maçonnerie,
manutention, batelage, etc. Sa femme, elle aussi, fait comme lui. Aujourd’hui, elle cherche de l’eau pour une famille de la capitale. Demain, elle lavera les linges d’une autre pour demain. Après-demain, il faudra chercher autre chose.  » Nous gagnons tous les deux en moyenne 5000 Fmg (0, 71 euro) ou 2500 Fmg (0,35 euro) par jour. Cet argent est destiné à notre nourriture quotidienne, rien qu’à cela. Elle ne nous suffit pas bien sûr. Des fois nous ne mangeons pas le matin. On ne boit que de l’eau chaude. Nous n’utilisons plus de charbon de bois comme auparavant. Nos enfants cherchent des bûches ou des brindilles aux alentours après l’école « .

Risque d’expulsion

Un autre problème auquel cette famille fait face est son loyer. Elle risque d’être délogée de leur petite maison.  » Cela fait 5 mois que nous n’avons plus le moyen de le régler. C’est impossible. On n’a pas d’argent pour le moment « , avance Rajaona. Le propriétaire ne veut rien comprendre. Il a déjà porté plainte contre ce ménage en lui envoyant une lettre d’expulsion.  » Si on nous renvoie, nous risquons d’habiter dans la rue. Personne ne veut nous héberger « , se plaint la femme de Rajaona. A l’intérieur de cette maison étriquée, il n’y a presque plus rien : pas de lit, les 8 membres de la famille dorment ensemble sur un matelas fait en buisson garni d’un drap à moitié déchirée. A cela s’ajoute une petite table entourée de 2 tabourets fabriqués en raphia. Ils se mettent par terre quand ils mangent ou quand les enfants font leur devoir ou leur révision. Il reste encore 4 assiettes et 6 cuillères qu’ils utilisent tour à tour au déjeuner et une seule marmite posée sur deux briques servant de réchaud.  » Nous avions eu pas mal de meubles avant mais nous les avons tous vendus pour pouvoir nourrir nos enfants. Actuellement, on n’a plus rien à vendre« , déplore la mère de 6 enfants.

Avenir précaire pour les enfants

L’ avenir de ces derniers est aussi mis en jeu. Les deux aînés qui ont 14 ans et 12 ans devaient faire l’école buissonnière ces derniers temps pour aider leur père dans son petit métier. Quant aux autres, des fois ils ne vont pas à l’école faute de frais pour le bus.  » Si la situation perdure, c’est sûr qu’ils abandonneront définitivement leur étude d’ici peu. On n’a plus la possibilité de les envoyer à l’école. Ils n’ont plus rien maintenant : pas de cahier, pas de stylo. Ils ont souvent faim là-bas et forcément cela se ressent sur leurs résultats. » se plaigne la mère. Et de poursuivre  » dès que nous aurons plus d’argent, je les enverrai de nouveau à l’école. Je sais pertinemment qu’ils ne pourront pas avoir de bel avenir sans aller à l’école mais nous ne pouvons rien faire pour le moment. Je suis désolée ! « .

La seule chose qui ne décourage pas ce ménage, c’est sans doute le fait de penser qu’ils ne sont pas les seuls dans cette situation. Maigre consolation. Mais tout comme les quelques 130.000 personnes licenciées des entreprises privées à cause de la crise qui perdure, il lutte. Rajaona sait que la survie de sa famille est à ce prix.