samedi , 14 décembre 2024
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Annonceurs de mauvais présage, atteinte à la sureté de l’Etat, regroupement sans autorisation, pied de nez aux pouvoirs en place, danger pour la récolte de riz, une première depuis longtemps… chacun y allait de son commentaire avec parfois de l’humour pour qualifier « l’attaque » de la capitale par un essaim de criquets. La FAO et le ministère de l’Agriculture ont assuré que cette invasion à Antananarivo ne remet pas en cause le succès de la campagne antiacridienne et qu’il reste moins de 1% des surfaces infestés à traiter.

Nuages de criquets, un vent de panique sur la ville des milles

L’adage selon lequel les criquets ne dorment pas deux fois à l’entrée de la ville prend tout son sens quand un essaim envahit Antananarivo. Sauf qu’il s’agit de catastrophe et non pas d’opportunité comme le sous-entendaient les anciens. Repérés du côté d’Arivonimamo, à 60 km à l’ouest, le matin du 28 août 2014, les criquets sont arrivés à Antananarivo dans l’après-midi. L’alerte n’a été donnée que lorsqu’ils sont arrivés à Itaosy dans la périphérie. « Ils ont dévoré tout ce qu’il y avait dans mon jardin, c’était horrible de voir autant de bestioles sur une toute petite surface », s’exclame une mère de famille. Le préjudice est moindre comparé aux rizières périurbaines qui ont été recouvertes en quelques minutes. « Lors de la dernière saison de riz, nos récoltes avaient été décimées à plus de 50% par les grêlons, c’est pour cela que nous avons planté du riz de pré-saison, témoigne Randria, agriculteur du côté du quartier d’Ampasika. Je crains que nos efforts ne soient réduits à néant une nouvelle fois ». Les dommages s’étendent sur 600 ha dans l’agglomération d’Antananarivo.

Les malheurs des riziculteurs citadins ne reflètent même pas le danger que représentent les invasions de criquets. Plus de 13 millions d’habitants sont menacés sur le plan alimentaire. « C’est très bien que les criquets aient rendu visite au ministre de l’Agriculture à Anosy et au président de la République à Ambohitsorohitra, ils rappellent à ces dirigeants que le travail n’a pas été fait malgré les grandes sommes annoncées pour les financer », tance Mr Jeannot, un retraité qui dit avoir été choqué par un nuage d’insectes au dessus de sa tête alors qu’il attendait le bus. « C’est fou, ils ont créé un embouteillage du côté d’Avaradoha ! commente un chauffeur de taxi. Ils volent très bas et heurtent les pare-brises ». Les marchands de fleurs à Anosy ont dû lutter pour protéger leurs marchandises. « Ces bestioles n’ont pas peur des humains, on a improvisé pour limiter les dégâts notamment en brûlant un pneu », raconte, Mme Saholy.

Le ministère de l’Agriculture et la FAO assurent et rassurent

A défaut de prévoir le prévisible, il fallait bien l’expliquer après l’évènement. Pour le ministre de l’Agriculture, « cette invasion est prévisible », mais il n’a pas jugé bon d’alerter les habitants d’Antananarivo. Rolland Ravatomanga relativise, en affirmant que « ce n’est que 10% de la superficie infestée en 2013 » et que l’épandage sera repris le lendemain pour chasser les essaims une fois que ces derniers ont quitté l’agglomération. Le matin de la grande invasion, les criquets ont profité de paramètres météos favorables, un vent fort et de la chaleur, qui n’ont pas permis aux techniciens de les arrêter du côté d’Imeritsiantosika alors qu’ils faisaient cap vers la capitale. Selon la FAO, avec « l’augmentation de la température, il y a une forte probabilité d’avoir des criquets passant dans la capitale en cette période de l’année ». Les criquets peuvent effectuer 6 heures de vol par jour, soit 3 fois plus qu’en hiver.

Le bilan de la FAO qui a déjà investi 28 millions de dollars se veut positif : « l’invasion acridienne a été cassée et les opérations de lutte devront se poursuivre pour accompagner le déclin actuel. Bien que des essaims soient encore visibles, l’estimation de superficie totale infestée varie de 500 à 5 000 ha sur tout le territoire de Madagascar… Le passage d’un essaim à Antananarivo ne modifie pas le fond du diagnostic, à savoir : régression complète de l’invasion acridienne. Tout cela ne remet pas en cause la superficie traitée de 1,2 million d’hectares ». 10 millions de dollars sont encore à mobiliser pour contrôler la situation dans une deuxième phase avant de constater la rémission dans une troisième phase. La lutte est encore longue.