vendredi , 29 mars 2024
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Désobéissance ou manque réel de dialogue. Les chauffeurs et propriétaires de taxi réfutent une énième fois la décision de la Commune Urbaine d?Antananarivo. Les voitures taxis devraient toutes être peintes en couleur crème d?ici fin avril 2003.

Taxis : la question de la couleur commune au point mort

Le service des affaires économiques de la mairie d?Antananarivo a beau avancé des arguments qui semblent logiques, il peine à persuader les chauffeurs et propriétaires de taxi à uniformiser la couleur des voitures. La raison officielle est la volonté de la ville de protéger l?emploi de taximan, de garantir la sécurité des clients mais aussi de mettre de l?ordre dans le métier des transports urbains. Pourtant, la mairie a déjà enclenché une considérable marche arrière.



Au départ, les couleurs «imposées» aux taxis étaient la jaune avec une bande bleue. Bref, ce sont les couleurs de la mairie qui présente des similitudes avec celles du parti présidentiel Tiako i Madagasikara. Ce qui n?a pas manqué de provoquer un rejet de la part des premiers concernés mais aussi au sein d?une partie de la population. Comme si l?on allait croiser dans les rues d?Antananarivo des supports de propagande en permanence. La mairie a cédé. Plus de couleurs jaune et bleue.



Mais les problèmes, tout comme les enjeux, sont ailleurs. Les chauffeurs de taxis sont divisés sur la question. Une grande partie parmi les professionnels souhaitent la satisfaction d?autres «besoins vitaux» pour le métier avant de se lancer à ce qui est superflu et qui relève de l? «estime». Le Dr René R., propriétaire de taxi, évoque la création d?un centre d?achat pour les pièces détachées et de services dédiés aux taxis, au centre de visite technique par exemple. Il se soucie plus de la qualité du service grâce à un intérieur plus confortable et plus de sécurité avec la présence policière que de la couleur de sa voiture.



Le principal souci des professionnels du transport comme les simples utilisateurs reste le très mauvais état des rues avec parfois un trou béant d?un mètre de profondeur. La mairie a déjà annoncé la réhabilitation des grands axes comme 67 Ha, Anosibe et Tsaralalàna. «Si la mairie veut réellement protéger notre emploi, qu?elle réhabilite les rues qui ne sont plus praticables pour certaines petites voitures», déplore Tojo Randria, chauffeur de taxi depuis dix ans, l?année où il a obtenu une licence? en études scientifiques à l?Université. Il loue son taxi à 50 000 Fmg (1 euro= 6800 Fmg) la journée. Après avoir payé le carburant, il réalise un «bénéfice » de 30 000 à 50 000 Fmg au mieux. Souvent reconnaît ce chauffeur, il doit travailler jusqu?à très tard dans la soirée pour rapporter quelque chose à la maison.



Une course en taxi est de 7 000 Fmg (1,10 euro) pour une courte distance, plus de 10 000 Fmg pour les moyennes et plus de 20 000 Fmg pour les longues. Mamy R., lui, est propriétaire. Il pense pouvoir payer les 500 000 Fmg nécessaires pour peindre son taxi. «Seulement, il faudra penser à retaper la carrosserie, je devrais donc sacrifier d?autres entretiens habituels de mon taxi. De plus, j?utilise ma voiture quand je ne travaille pas. Et quid des locations occasionnelles. Comme tout le monde n?a pas les moyens de louer une voiture chez Hertz, on fait des courses avec la lanterne enlevée », explique-il.



La mairie a pu négocier avec un fournisseur la vente à prix réduit de la couleur B-623 et avec une entreprise allemande pour la peinture. Le voile était levé un peu tardivement. Les spéculations les plus folles à propos des enjeux économiques et de l?existence d?un lobbying pour l?uniformisation des


taxis ont fait du chemin. Il s?agit tout de même d?un parc automobile de plus de 10 000 véhicules. A 500 000 Fmg le coût pour repeindre un taxi, cela représente un chiffre d?affaires d?au moins 5 milliards Fmg (environ 735 000 euros). Si le service de l?entreprise allemande est gratuit pour les taxis,


cela pourrait signifier que ce sont les contribuables qui paient. A moins qu?un accord de collaboration ou d?aides avec la mairie d?Antananarivo n?ait été signé.



La communication de l?équipe de la mairie reste floue à ce sujet et se résume à une volonté d?imposer la couleur uniforme pour les taxis. Ce qui est ressenti comme une forme de « dictature » pour les hommes du métier qui souhaitent plus de dialogue pour améliorer leur profession. Le bras de fer continue.