mercredi , 24 avril 2024
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Internet est définitivement la hantise du pouvoir en place à Madagascar. Accusé à tort ou à raison d’être le responsable de la mauvaise image du régime de transition de fait et de la non-reconnaissance internationale de ce dernier, les sites d’information, les blogs, les forums de discussion et les réseaux sociaux sont désormais intimés de mesurer leur propos. Face à ce qui apparente à une volonté de réduire la liberté d’expression sur internet, la ministre de la Justice du gouvernement Kolo se défend d’avoir été à l’origine d’une loi sur la cybercriminalité particulièrement sévère.

Internet : les malgaches voient leur liberté d’expression s’effriter

Le texte de loi n’a pas attiré l’attention des journalistes à son adoption au parlement, le 19 juin 2014. Il aura fallu attendre qu’un exemplaire soit remis aux participants au séminaire sur le code de la Communication pour que les gens des médias prennent conscience de la gravité du problème. Des peines d’emprisonnement de 6 mois à 10 ans, des amendes jusqu’à 100 millions d’ariary, la loi ne cible pas uniquement les pirates informatiques, les prédateurs sexuels et les escrocs en ligne. Elle s’attaque aussi à ceux qui s’expriment sur internet et qui risquent de ternir l’image des personnalités politiques et de tous ceux qui représentent le pouvoir.

« C’est une loi qui a été préparée en 2013, mais il n’y avait pas encore de parlement élu », se défend la ministre de la Justice. Noéline Ramanantenasoa réfute ainsi toute volonté liberticide du régime Rajaonarimampianina. Elle souligne que les mutations technologiques et le vide juridique laissé par le code de la communication justifie la promulgation de cette loi qui contrôle l’utilisation d’internet et des réseaux informatiques en général. Or, le président de la République vient de s’engager à mettre fin à l’emprisonnement des journalistes alors que la loi sur la cybercriminalité pourrait sanctionner un article, photo et caricature publiés en ligne par les médias. « La loi évolue, relativise la ministre de la Justice, quand le code de la Communication sortira, vous (ndlr : les journalistes) pourrez demander à ce qu’il y ait une harmonie entre les textes ». Les peines de prison pour diffamation et injure pourraient être supprimées.

Cette loi qui diabolise internet a été une revanche prise par le régime Rajoelina qui en avait beaucoup souffert. Propos dégradants, parodies, caricatures, dessins animés, photo-montage… l’ancien président de la transition n’avait pas été épargné. Ce déficit d’image aurait eu un impact négatif sur sa notoriété et son statut de chef d’Etat. Or, ces contenus injurieux étaient surtout l’œuvre de simples citoyens dont la plupart résident à l’étranger. La poursuite judiciaire risque d’être plus compliquée que pour les infractions commises dans le pays. La responsabilité de l’hébergeur et du fournisseur d’accès est engagée à Madagascar, cela malgré la recommandation de l’Union internationale des télécommunications.

La liberté d’expression sur internet ne sera pas moins surveillée avec le futur code de la communication. Le ministère exige un directeur de publication qu’il peut poursuivre en cas de dérapage. De même, les journalistes en ligne ne sont pas éligibles à la carte professionnelle, une faveur jadis accordée à compte-gouttes à un site web d’un grand annonceur ou à un ami qui tient un bloc anti-opposition et travaillant à la gloire du régime de transition. Les sites web qui ne veulent pas être en connivence avec le régime devront être hébergés en Amérique et avoir un promoteur résident en Europe ! Les législateurs veulent mettre la pression sur les FAI pour que la censure se fasse sur le plan technique par ce qu’ils appellent « une mesure prudentielle », d’autant que le nombre d’internautes dans le pays ne cesse d’augmenter.