mardi , 16 avril 2024
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Il aura reçu tous les honneurs dus à son rang, lui le héros national, fervent militant des nobles causes, défenseur des opprimés, de ses compatriotes malgaches et du peuple noir. Absent du territoire malgache depuis 1972, il aura tout de même bénéficié de funérailles nationales.

La controverse Rabemananjara

Mis en terre, ses origines nobles (ceux d?Ambohimalaza, colline de la dynastie royale merina des andriatompokoindrindra le réclame) ont voulu qu?on l?ensevelisse (asitrika) et non qu?on l?enterre, à 18 h00 du soir, une fois que le soleil se soit également décliné, et devant les plus hautes autorités de l?Etat à commencer par le président Ravalomanana et sa femme, le premier ministre Jacques Sylla et son épouse, et tous les chefs d?institution qui ont tenu à faire le déplacement.
Il aura reçu la médaille de Grand Croix de l?Ordre National malagasy, lui, l?instigateur avec ses frères d?armes Joseph Raseta et Joseph Ravoahangy et tous les militants MDRM qui ont suivi leurs mouvements, des évènements de 1947 et en paiera le prix avec la torture et les années de prison et avant la reconnaissance ultime : Commandeur de la Légion d?Honneur française.
On lui aura réservé un gymnase, pas le plus grand cependant, pour que le peuple malgache ait assez de place pour venir lui rendre hommage. Il aurait décliné le Mausolée par amour pour sa femme Marcelle avec laquelle il désirera passer sa vie et toute l?éternité.


Il aimait Madagascar
La foule est tout de même venue à l?enterrement de Jacques Rabemananjara à Anjanahary où lui a été destiné un caveau provisoire avant son départ définitif pour Mangabe, la « grande bleue », petite île de l?Océan Indien au nord-est de la Grande Ile où il a vu le jour.
Une foule de nostalgiques, de militants, de frères d?armes, de militaires et de dignitaires militaires qui l?ont mis en terre, de badauds sans doute mais pas de celle de la génération actuelle qui l?a définitivement rangé dans les livres d?Histoire et qui ignorent même peut-être qu?il a été ministre de l?Economie et des finances et également ministre des Affaires étrangères de la première République, qu?il aura été candidat à la première élection présidentielle réellement démocratique à Madagascar, celle de 1992, et qu?il n?aura même pas récolté 2% des voix de ses compatriotes.
Un chroniqueur disait de lui : « il aimait Madagascar (ndlr : « je porte toujours avec moi un peu de la terre malgache » avait-il confié à un journaliste malgache à qui il avait alors montré un petit sac rempli de latérite) mais pas les malgaches ».
Contradictions, polémiques, des tons quelque peu amers viendront s?ajouter aux louanges adressées au « grand homme politique », au « géant de littérature francophone et de la négritude ».
Un député de Madagascar qui n?a pas jugé « utile de se mettre en avant en ces tristes moments » livre tout son amertume : « Il aurait pu. Avec ce qu?il touchait grâce à ses écrits, il avait eu maintes fois la possibilité de faire quelque chose pour son pays, ne serait ce que d?y venir de temps en temps ».


Le poète ignoré des siens
Cet éloignement du c½ur des malgaches parce qu?il s?était mis loin de leurs yeux est un reproche que l?on retrouve jusque dans le milieu de la littérature. Un professeur de français commente le « poète ignoré des siens » : « Autant Jean Joseph Rabearivelo qui lui avait « passé le flambeau » (ndlr : l?héritage spirituel que lui a laissé le poète) a su s?adresser aux malgaches, ne serait-ce que par le fait de traduire en malgache ses écrits en français, autant Jacques Rabemananjara ne l?a pas fait. Et après tout, son absence du territoire malgache depuis 1972 y est aussi pour quelque chose ».
Peut-être n?a-t-il tout simplement pas été compris ? Dans son hommage à l?un de ses pairs, Rajaona Andriamananjara, l?actuel président de l?Académie Malagasy a rappelé quelques uns de ses propos : « Quand j?écris en français, je prétend que j?écris en malgache ».
Ecrire, s?exprimer dans la langue de l?Autre afin de se mettre sur le même pied d?égalité que lui et arriver ainsi à le convaincre. Jacques Rabemananjara, dans l?indifférence quasi générale des malgaches, reçoit en 1988 le Grand Prix de la Francophonie de l?Académie Française. Et au crépuscule de sa vie, en 2004, il patronnera la première édition du festival de la littérature francophone baptisé « Printemps des poètes des Afriques et d?ailleurs ».
Durant les dernières années de sa vie, il aura également lancé des recommandations en faveur de l?unité nationale si chère à ce fils à la fois de l?Imerina et du Betsimisaraka.
Les militants comme Gisèle Rabesahala ( ndlr : l?une des derniers témoins des évènements de 1947) s?inclinent devant celui qui a « mis son art, son talent et ses connaissances culturelles au service de Madagascar », et les intellectuels comme Mamy Rafalindranto, écrivain et journaliste, saluent celui « qui a fait des mots et de la littérature des armes ».


Hors texte :


Son ½uvre :


Les poèmes :


« Sur les marches du soir : les regrets » (1940)
« Rites millénaires » (1955)
« Lamba » (1956)
« Antsa » (1956)
« Antidote » (1961)
« Les ordalies, sonnets d?outre-temps »(1972)
« Thrènes d?avant l?aurore : Madagascar » (1985)
« Rien qu?encens et filigrane » (1987)


Les essais :


« Témoignage malgache et nationalisme » (1956)
« Nationalisme et témoignage malgache » (1958)


Les pièces théatrales :


« Les dieux malgaches » (1947)
« Agape des dieux Tritriva » (1962)
« Les boutriers de l?aurore » (1957)
« Le prince Razaka » (1995)