samedi , 14 décembre 2024
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La suspension du commerce de crocodile, de la peau ou des produits artisanaux, a certainement un impact négatif pour une économie locale déjà mise en mal par la crise. On peut y voir un côté positif, c’est d’avoir permis un repeuplement des rivières d’une espèce légendaire qui fait partie du paysage et des croyances malgaches. La CITES, la Convention internationale des espèces de faune et flore sauvages menacées d’extinction, veut contraindre les autorités et les opérateurs du pays à recadrer le secteur afin de préserver le crocodile du Nil de Madagascar.

Préserver les crocodiles de Madagascar et leurs légendes

Une préservation forcément anti-économique

Le moratoire sur l’interdiction de l’exploitation commerciale du crocodile a été un frein au développement d’une filière revigorée par la hausse des prix de la peau sur les marchés internationaux. La CITES reproche aux autorités de Madagascar l’insuffisance d’information, notamment sur l’inventaire et la traçabilité des animaux. Les opérateurs économiques ont essayé de prendre les choses en main pour apporter un minimum de régularisation du secteur. Les tanneurs doivent ainsi remplir une fiche unique pour indiquer la provenance et renseigner l’état du stock. Pas assez convaincant pour la CITES.

Le Crocodylus niloticus de Madagascar n’est pas une espèce menacée d’extinction, mais la mesure est préventive. L’absence d’inventaire de la population de crocodile dans la nature ne permet pas en effet d’établir un quota rationnel pour l’exportation. Même si les fermes d’élevage ont du mal à écouler leurs produits depuis la suspension de l’exportation, il pèse toujours un soupçon de blanchiment de peau de crocodiles capturés dans la nature. La collecte des œufs de crocodiles à la destination des fermes d’élevage est le principal danger pour l’espèce.

Une ferme de crocodile reste une attraction touristique. Voir des dizaines de reptiles se prélasser au soleil ou avaler de gros morceaux de viande est tout un spectacle. On peut même goûter à la chair, une bonne brochette de viande blanche ragoutante. Il n’y a pas mieux pour se sentir au sommet de la chaine alimentaire. Sur les rivières parcourues à bord d’embarcation pneumatique par les touristes, dans la partie sud-ouest du pays, les crocodiles se font rares. Il faut plutôt partir dans le nord pour les admirer de près, dans les cours d’eau et les lacs.

De la peur et des légendes

Les rivières Mahavavy, Soahany et Manambaho sont encore peuplées de crocodiles du Nil qui y sèment la terreur. Ce sont des prédateurs redoutables qui mettraient volontiers les humains dans leurs menus. Les victimes se comptent par dizaines chaque année. Les zébus s’aventurant au bord de l’eau pour se désaltérer sont des proies privilégiées. La peur du crocodile a sans doute contribué à la lassitude des populations locales qui rechignent à le protéger et à le vénérer.

Les légendes et les croyances sur les crocodiles étaient pourtant source d’enseignement. Elles incitaient les humains à avoir de la bienveillance envers cet animal à qui on offre même un zébu en offrande. La plus connue et la légende d’Anivorano. C’est l’histoire d’un village qui a refusé de donner de l’eau à un vieillard. Ce dernier a fait engloutir la plaine et a transformé les habitants en crocodiles. Seule la femme qui a consenti à lui donner à boire avait été épargnée.

La légende des Zafimboay (petits enfants de crocodiles) raconte une belle entente entre les crocodiles et les humains qui a été brisée par une petite fille. En colère, la grand-mère crocodile insultée l’a entraînée au fond d’où elle a été sauvée par un éleveur de zébus. Le prédateur est allé au village pour la chercher. Il a fallu une offrande de zébus pour l’apaiser. Certaines ethnies malgaches croient en la réincarnation et voient dans un crocodile leur ancêtre. Selon la croyance, on peut même voir un bijou sur un doigt de la patte de ce grand reptile. Sacré animal !