vendredi , 29 mars 2024
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Brassens aurait aimé ça. Jeudi soir, 20 mars 2003, 6 groupes se sont succédés au Tranompokonolona Analakely (Antananarivo ? Madagascar) pour rendre hommage à sa verve, à son verbe, à sa façon d'être qui le place de fait du côté des justes. De la cause juste. Jazzy, rockéisés ou à la mode de chez nous les Malgaches, les textes de Brassens passent tranquillement comme une lettre à la poste. Un point d'orgue dans cette semaine qui s'achève, dédiée à la francophonie. Nous avons abordé deux de ses interprètes d'un soir : Shao Boana et I Thai. En phase avec le chanteur-poète. Naturellement.

SHAO BOANA ET I THAI ENSEMBLES POUR LE « FRERE » BRASSENS

Fiche signalétique :


Shao Boana décomposé, on y trouve d’abord : Shao ou negosa ou « négus » : « ça paraît prétentieux mais c’est plutôt un état d’esprit. C’est en rapport avec le chef éthiopien. Chez les rastas, c’est la plus haute distinction et les gars ils ont vraiment un bon mental, ils sont peace and love et ça c’est une vague unniverselle qu’on peut mettre en place à Madagascar ». Boana : « c’est tout le monde, daholo, daholo ». Il est Lejoma pour les intimes. Il attend 11 ans pour qu’enfin ses idées, ses textes puissent être gravés sur le support qu’ils méritent. A son arrivée sur la capitale en 1993, il anime une émission radio sur le rap hardcore et prêche à qui mieux mieux l’esprit Hip Hop. On lui doit l’épanouissement du Maboto Manday Talenta, un collectif de rappers provenant des quatres coins de l’Ile.


Daddy – I Thai du nom d’un guerrier farouche du roi David, mais aussi par rapport à un mode de respiration en art martiaux, après trois séjours à Madagascar s’y installe définitivement et met sur pieds avec Rootikal (sélecteur ? opérateur et ingénieur du son) le King’s Tany Sound system. Il a 11 ans de pratique de la musique en France. On attend son album « malgache » pour cette année 2003. Autre signe particulier : est marié avec une malgache. « Les Malgaches captent sans problème la musique de I Thai parce que, dit-il, « le reggae comme le rap sont deux musiques qui sont universelles. Elles sont parmi les musiques qui sont actuellement les plus écoutées par les jeunes générations et toutes les deux véhicules un message assez positif dans l’ensemble et en même temps enseignent les gens tout en les faisant danser. C’est important ».


Madonline : Dans le monde musical malgache, on vous classe parmi les (bonnes) révélations mais il y en a une autre c’est que Brassens peut être chanté en reggae et en rap, c’est ça ?


Daddy I-Thai : Exactement, on a essayé d’adopter un style un peu reggae, ragga,… Ce qui est bien avec le reggae c’est que c’est une musique qui peut véhiculer pas mal de styles différents, on peut adopter facilement dessus des textes qui, à la limite, n’ont rien à voir avec ce style de musique, sans aucun problème.


Madonline : Shao Boana n’a eu aucun problème pour chanter Brassens ?


Shao Boana : Aucun. Cela faisait longtemps qu’on avait envie de faire des choses autres qu’en langue malgache. Moi personnellement j’ai voulu par Georges Brassens prouver qu’on parle aussi bien le français dans les milieux défavorisés.


Madonline : Brassens cadre bien avec la philosophie des musiques que vous véhiculez ?


Daddy I Thai : Je pense que oui. De son vivant on disait que c’était un chanteur un peu contestaire, qu’il osait dire pas mal de choses etc,… et le reggae à la base c’est cela quoi : une musique contestataire qui vient des bas fonds, des ghettos, qui puise ses sources dans l’esclavage et qui véhicule une certaine douleur, une certaine révolte. Brassens quelque part c’était un gars qui était aussi révolté, qui était écorché et qui avait pas mal de choses à dénoncer.


Madonline : Shao Boana : le rap, le reggae, Brassens, la culture malgache, c’est quoi le lien ?


Shao Boana : Le lien p’têt bien c’est… je dirais que quand Georges Brassens chantait, il n’hésitait pas à dire tout ce qui lui passait par la tête et ça, cela a un lien avec le rap. Le fait de pouvoir dire ce que tu penses et de chanter comme tu l’entends c’est un esprit que le rap véhicule aussi.


Madonline : Vous avez choisi d’interpréter « les copains d’abord » et « le roi ». Pourquoi ?


Daddy I Thai : On a choisi « le roi » parce que j’ai l’impression que c’est pas mal d’actualité. Ce sera toujours d’actualité de toute façon. Et pour « les copains d’abord », je pense que cela traduit bien les liens de fraternité qu’on peut avoir dans le milieu du rap et du reggae, au-delà des clivages ou de la concurrence, Souvent c’est un milieu dans lequel le frère ou celui avec qui on fait quelque chose en musique est vraiment primordial. Il y a un sentiment d’amitié très fort qui permet d’avancer dans ce business où il y a beaucoup de requins. Ce type de relation dans ce milieu peut aider, je pense, à progresser.


Shao Boana : « Le roi » d’abord parce que, c’est vrai qu’il y a la guerre en ce moment et on ne sait pas ce qu’il peut arriver. Même si t’es un roi tout peut t’arriver ici-bas. Un roi, l’empereur, le shah d’Iran, tout ça ne tient qu’à un fil. C’est vraiment un bon message pour les dirigeants actuels, ceux qui tiennent les manettes du pouvoir. Même nous les artistes. Même si t’es au sommet de ta gloire, tout peut arriver. Pour « les copains d’abord » : nous on est des rappeurs, on vit par la musique. On ne fait que cela. Les copains cela représente vraiment tout. Si t’as un problème, il n’y a que sur les copains que tu peux compter.