vendredi , 19 avril 2024
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C’est une opération de communication pour sauver la face. L’affaire des deux journalistes incarcérés a été officiellement dénouée par le président de la République. Ce dernier a déclaré avoir demandé à son ministre d’Etat de retirer la plainte alors que Jean Luc Rahaga et Didier Ramanoelina attendaient en prison le verdict de leur procès pour diffamation par voie de presse. Sans enlever le mérite à Hery Rajaonarimampianina qui a pris position contre l’emprisonnement des journalistes, le régime a plié face à la montée de la mobilisation générale et une récupération politique d’une affaire qui a terni son image.

La prison avant le pardon, l’étrange attitude du pouvoir face aux journalistes

Hasard du calendrier, l’affaire Madagascar Matin contre Rivo Rakotovao coïncidait avec le séminaire national sur le projet de code de la Communication. Le président de la République était bien informé des débats qui ont eu lieu à Antsirabe. Il y avait donc de la matière dans son discours quand il a eu à s’exprimer sa décision de demander, pas ordonner, au ministre d’Etat chargé des Infrastructures de retirer sa plainte pour que Jean Luc Rahaga, directeur de publication du quotidien Madagascar Matin, et Didier Ramanoelina, rédacteur en chef soient libérés. « La liberté de presse existe dans ce pays, c’est même un peu trop libre », a déclaré Hery Rajaonarimampianina. « L’expression des idées est libre mais il y a des limites », a-t-il tempéré.
Selon le chef de l’Etat, « il faut faire attention avec les informations qui provoquent l’affrontement et la haine ». « Je suis désolé qu’il y ait emprisonnement. Cette loi existe. Si on l’applique dès qu’il y a diffamation, cela se termine par la prison », regrette-t-il. Autant de bienveillances à l’endroit des journalistes, c’est assez rare et cela mérite d’être souligné. D’autant que le président Rajaonarimampianina prend une position très claire sur le sujet : « la sanction est nécessaire, mais l’emprisonnement est disproportionné ». Il comprend toutefois la réaction de son ministre, ami et président de son parti. « Monsieur le ministre est un humain, il a eu une réaction, je lui ai demandé de retirer sa plainte ».
Celui qui est considéré ou perçu comme le « vice-président de Madagascar » n’allait pas en rester là et laisser toute la gloire au chef de l’Etat. Au premier discours ouvertement arrogant et vindicatif d’une personne dont l’immense honneur a été atteint a suivi un autre d’une douce arrogance d’un individu qui sait pardonner ceux qui s’agenouillent devant lui. Première mise au point, ce n’est pas un mais trois ministres qui sont concernés même si un seul a vu l’opinion publique se déchainer contre lui. « On a porté plainte, car c’est notre droit », s’est justifié Rivo Rakotovao, entouré du ministre de l’Environnement Anthelme Ramparany et du ministre du Commerce Narson Rafidimanana.
Si le magnanime ministre d’Etat et ses deux collègues ont ainsi retiré la plainte contre les deux journalistes, ce n’est pas par soumission à la volonté présidentielle. Au contraire, c’est devant eux que les amis, collègues et parents se sont inclinés pour demander la libération des deux plus célèbres prisonniers éphémères de Madagascar. « Le chef des journalistes nous a appelés, il s’est excusé et a reconnu la faute », triomphe Rivo Rakotovao. « Il y a eu un impact sur le rédacteur en chef », dit-il, se délectant du malaise de la profession qui constate que « c’est le petit qui trinque ». Didier Ramanoelina aurait été limogé avant même que le procès ne commence. « Ses parents sont venus pour demander pardon », suffisant pour apaiser la colère du très grand ministre d’Etat.