jeudi , 18 avril 2024
enfrit
Hery Rajaonarimampianina aura finalement le choix sur le futur premier ministre. Malgré l’insistance du Mapar à imposer son seul et unique candidat, le président de la République a considéré la candidature de Jules Etienne proposée par la Plate-forme pour la majorité présidentielle (PMP) actuellement en souffrance à l’Assemblée nationale. Il a été conforté par les avis de la HCC sur la nomination et la fonction du chef de gouvernement, encouragé certainement par les conclusions d’éminents juristes tel que Honoré Rakotomanana qui le délivrent de l’emprise de la mouvance Rajoelina.

Premier ministre : le président choisira-t-il sans une négociation politique ?

C’est à Iavoloha que les deux candidats au poste de premier ministre ont été reçus en entretien par le président Rajaonarimampianina. Selon la pratique habituelle à Madagascar, il s’agit purement d’un entretien d’embauche. Le futur patron a sondé les deux candidats sur leur compétence à gérer le gouvernement et sur leur motivation à coopérer avec lui.

Finalement, c’est loin d’être une formalité pour le Mapar qui ne jure que par l’article 54 de la Constitution de la 4ème République. L’accord politique à établir par la négociation en coulisse a été rendu impossible par la présentation publique de Haja André Resampa. La majorité parlementaire en a rajouté une couche par une démonstration de force. Ils étaient 75 députés issus du Mapar et du GPS à venir déposer la lettre de candidature de leur favori au Palais présidentiel d’Ambohitsorohitra. Ce petit coup de force risque d’avoir un effet contraire, poussant le président à recaler une personne qu’il a limogée récemment et que l’on veut lui imposer à un poste encore plus important.

Le président de la République a-t-il vraiment le choix ? Peut-il passer outre l’article 54 de la Constitution ? Par un autre avis, la Haute Cour Constitutionnelle rappelle qu’il y a « une prééminence du Président de la République, revêtu de la légitimité démocratique issue du suffrage universel direct, sur le Premier Ministre, créant ainsi un rapport de subordination du Premier Ministre, Chef du Gouvernement au Président de la République, Chef de l’Etat ».

Elle précise que « cette primauté politique demeure toutefois conditionnée au soutien du Président par la majorité parlementaire : que cette majorité lui devienne hostile, et la neutralisation du bicéphalisme liée à la primauté présidentielle disparaît également ». Elle ne parle pas pour autant de l’empêchement définitif qui ne pourrait être motivé par une violation grave et répétée de la Constitution, sans oublier la haute trahison, et non pas sur fond de désaccord politique entre la majorité parlementaire et le chef de l’Etat.

La HCC précise que « le Président de la République et le Premier Ministre sont tenus d’œuvrer ensemble pour garantir une stabilité et une régularité du fonctionnement des pouvoirs publics pour la réalisation effective de la politique générale de l’Etat arrêtée en Conseil des Ministres » qui reposerait « sur une collaboration franche, loyale et étroite entre les deux responsables de l’Exécutif ».

La Constitution n’exclut pas la possibilité d’une révocation du Gouvernement pour « faute grave » ou en raison de « défaillance manifeste » dont l’appréciation première relève de la volonté du Président de la République, en tant que Chef de l’Exécutif.

Dans la bataille juridique, le vent tourne à l’avantage du président élu. Les 49 députés pro-Andry Rajoelina ont sans doute compris qu’ils ne peuvent pas l’emporter grâce au seul article 54 de la loi fondamentale. « Regardez, nous sommes 75 et il n’y a que 147 parlementaires à l’Assemblée et pas plus », a martelé Harijaona Randriarimalala de l’allié GPS. Il réfute ainsi l’hypothèse selon laquelle la PMP a récolté 95 signatures pour appuyer son candidat. Il n’est pas impossible que des députés n’aient pas choisi définitivement leur camp, roulant pour les deux candidats.

Le président Rajaonarimampianina continue les consultations avant de faire son choix qui sera inévitablement issu d’une négociation politique. Il pourrait tout simplement demander au Mapar de présenter un autre candidat qui serait plus conforme avec sa politique d’ouverture pour un gouvernement d’union. La stabilité politique est à ce prix.

Les langues se délient au sein des représentants de la communauté internationale. L’Union européenne espère une rupture avec le passé, donc un premier ministre non issu de la transition. Les Etats-Unis souhaitent un premier ministre neutre qui a la confiance des Malgaches et de la communauté internationale. Le tout dans un ton diplomatique officiellement sans pression, mettant le président Rajaonarimampianina devant ses responsabilités. La France n’a pas à s’en faire tant que les candidats sont… français !