Le baromètre des médias 2016 va dresser un profil très négatif de l’environnement de la presse à Madagascar. Ce pessimisme s’expliquerait par une réalité, plus dure que selon les apparences, vécue par les journalistes et la perception de ces derniers par le public. La journée mondiale de la Liberté de la presse a une nouvelle fois permis au gens du métier de dénoncer les entraves à la pratique d’un bon journalisme à Madagascar.
La Constitution garantit la liberté d’expression et la liberté de presse, mais cette liberté est rarement effective. La conception de la loi, que ce soit celle datée de 1990 que le Code de la Communication qui devra être voté par l’Assemblée nationale ce mois de mai 2016, est très orientée sur les limites de la liberté de presse. Elle pose des balises de plus en plus strictes autour de la pratique du journalisme. Elle ne facilite en rien le travail du journaliste dans le but d’améliorer la qualité de l’information.
On ne peut que se féliciter de la future dépénalisation du délit de presse. Le plus arrogant des ministres n’aura pas à jeter en prison un journaliste ou un directeur de publication et devra se contenter d’une demande de pardon à genoux des parents du fautif. Par contre, la sanction sera lourde financièrement. Le journaliste est directement épinglé et n’est plus protégé par le directeur de la publication qui sera co-responsable au même titre que le rédacteur en chef. Le média peut aussi être frappé d’une très forte amende qui va le conduire à la fermeture pour des raisons économiques.
L’accès aux sources est de plus en plus difficile pour les journalistes malgaches. Si auparavant les responsables politiques, les directeurs au sein de l’administration et les chefs d’entreprise étaient conscients qu’ils avaient intérêt à s’exprimer dans les médias pour leur image et leurs idées, la tendance est désormais au profil bas. « Il faut l’autorisation du ministre ou d’un tel directeur », « seul le siège peut parler à la presse », « on ne peut communiquer pour le moment »… Les portes sont officiellement ouvertes mais il n’y a personne derrière. Une demande d’interview n’est plus acceptée que si les questions sont envoyées par avance. Contrôler l’information devient une obsession. Certains recadrent très vite un journaliste qui pose une question qui ne porte pas sur le sujet du jour.
La pression des annonceurs est de plus en plus forte et seuls les quelques médias qui sont économiquement forts peuvent résister s’ils le souhaitaient vraiment. Cela donne lieu à des impasses sur certains sujets délicats. Les entreprises du secteur des télécommunications, premiers annonceurs dans les médias, n’hésitent pas à sévir ceux qui ne sont pas complaisants. L’influence et la pression des patrons de presse sur leurs journalistes tendent aussi à réduire la liberté d’expression. Ces personnalités ont un business ou un parti politique à défendre et à promouvoir. Elles interviennent donc sur la ligne rédactionnelle.
Le vrai danger pour la liberté de la presse à Madagascar est la mainmise du ministère de la Communication sur les chaines publiques. Le ministre et son complice, le directeur de cabinet, jouent aux journalistes et chroniqueurs dans un talk-show 100% propagande rediffusé plusieurs fois. Or, l’accès des opposants à la télévision et à la radio nationale est totalement inexistant.