mardi , 16 avril 2024
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La France, Rajoelina, Ravalomanana, sortie de crise, élection… Didier Ratsiraka a abordé des sujets d’actualité et a donné aux Malgaches une véritable leçon d’histoire. Des révélations, des justifications, des arguments, des doutes, des critiques, de la dérision… l’ancien président est sorti de son silence en accordant une interview à une chaine privée, se plaignant d’être parmi ceux qui sont interdits d’antenne sur les chaînes nationales.

Ratsiraka ne croit pas aux élections pour résoudre la crise

– « Pourquoi un si long silence ? »
– « Le silence est d’or !»

Ce n’est pas le sens de la répartie qui va manquer à Didier Ratsiraka, lui qui a fait bien plus que se défendre face à des questions censées le mettre en difficulté. Sa stratégie est simple, ne pas répondre directement à une pique, prenant le temps d’embarquer l’assistance dans une longue explication, si ce n’est un poème d’Aimé Césaire, une citation d’Anatole France ou du général de Gaulle, un petit discours en anglais d’un « freedom fighter »… Ca change d’un président DJ qui reprend dans un discours un refrain du groupe de rap Suprême NTM !

Ainsi, l’amiral ne s’est pas montré scandalisé ou choqué à outrance de sa disqualification par la CES dans la course aux présidentielles, non sans une petite amertume. « Je n’ai pris aucun engagement auprès de qui que ce soi que je ne vais pas me présenter, comme l’a fait Madame Lalao Ravalomanana et Andry Rajoelina », dit-il. Il avoue avoir tenté « naïvement » sa chance en ayant été rassuré que le fait de ne pas avoir eu résidence à Madagascar durant six mois continus n’était pas un critère majeur pour le disqualifier.

Didier Ratsiraka a affirmé sa réelle volonté d’être candidat, se défendant d’être investi d’une mission pour faire capoter les élections prévues le 24 juillet dernier sur lesquelles il avait émis certains doutes. « Si j’étais en mission pour la France, je ne serais pas privé de visa, et si c’était pour Andry Rajoelina, je n’aurais pas été frappé d’un NOTAM ».

La mouvance Ratsiraka n’a pas proposé un remplaçant. « Comment pourrai-je donner quelque chose que je n’ai pas », s’est justifié l’ancien président. « Ils m’ont disqualifié… C’est comme demander à un joueur de football qui vient de recevoir un carton rouge de choisir celui qu’il aimerait le remplacer sur le terrain ».

La France derrière le coup d’Etat ?

Pour Ratsiraka, l’origine de la crise actuelle remonte en 2002. Il ne reconnaît pas les mandats de Marc Ravalomanana, qui selon lui, a admis ne pas être élu au premier tour dans l’accord de Dakar II avant de s’autoproclamer président. L’Amiral rouge reconnait avoir accepté la demande de la France pour qu’il aide Andry Rajoelina en 2009. C’était pour réparer ce qu’il affirme être une injustice qui l’avait privé de deuxième tour en 2001.

« On m’avait demandé 3 fois de perpétrer un coup d’Etat mais j’ai toujours refusé ». Et selon Didier Ratsiraka, c’est toujours la France qui le lui demande. Il dénonce l’ingérence de Paris et les interventions peu diplomatiques des ambassadeurs de France à Antananarivo à différentes périodes de crise à Madagascar. Il reproche à l’Hexagone d’avoir été le premier à contester sa candidature. Ratsiraka affirme avoir pris ses distances vis-à-vis de Rajoelina quand celui-ci a commis le coup d’Etat contre « un directoire militaire fantôme, sans queue ni tête », malmenant des ambassadeurs et des généraux à l’épiscopat d’Antanimena.

– « Comment comptez-vous faire venir Marc Ravalomanana au pays »
– « Par avion ! »

Selon Didier Ratsiraka, « pour sortir le pays de la crise, les élections sont une solution nécessaire, mais insuffisante ». Il est plus que sceptique sur l’utilisation du bulletin unique dans un pays où 40% de la population sont illettrés. « Dans un bureau de vote, prenons une moyenne de 600 électeurs, il faut au moins 2 minutes pour lire ce bulletin unique et voter. Dans ce cas, il faudra 1200 minutes ou 20 heures pour que tout le monde vote ».

L’ancien président insiste sur la tenue de la conférence au sommet réunissant les 4 chefs d’Etat. Il réclame la diffusion des débats « en direct live » sur les médias publics et pourquoi pas internationaux. Cela éviterait, selon lui que les accords signés ne soient pas respectés. Didier Ratsiraka regrette que les crises dans le pays soient les résultats d’un non-respect de la parole donnée. Il estime que « les solutions viennent de ceux qui sont à la source du problème », qualifiant la crise actuelle « d’une guerre d’égo entre deux anciens maires d’Antananarivo ».

Selon l’amiral, ce ne sont pas les hauts généraux qui sont contre le retour au pays de Marc Ravalomanana mais bel et bien Andry Rajoelina. Même le général « Bômba » Richard Ravalomanana devra se plier aux ordres de ses supérieurs qui seraient prêts à accepter la décision politique. Ratsiraka rejette la « feuille de déroute » (sic) pour laquelle il affirme non sans fierté avoir refusé 1,5 millions de dollars contre sa signature. « Il nous ont rédigé une Constitution en deux heures ! »