jeudi , 28 mars 2024
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Changement de gouvernement : le président en a-t-il encore le pouvoir ?
Le président Rajaonarimampianina (à droite) et le premier ministre Jean Ravelonarivo

Changement de gouvernement : le président en a-t-il encore le pouvoir ?

C’était prévu fin janvier ou début février 2016. Le changement de gouvernement a été pratiquement acté et la suite ne devait être qu’une formalité. Il fallait juste attendre que le sénat soit mis en place pour que le fameux gouvernement de techniciens, celui qui permettra à l’Etat d’accélérer les choses, soit présenté. Fin février, toujours rien. Le général Jean Ravelonarivo ne veut pas céder les commandes. Le débat sur le non-respect répété de la Constitution est relancé.

« Pourquoi démissionnerais-je ?» La fameuse réplique du premier ministre devant les journalistes a fait parler, pour la simple raison qu’il y a des dizaines de raisons à évoquer. On peut toutefois voir cette question sur un angle particulier. Il ne démissionne pas parce qu’il pense pouvoir se raccrocher à son fauteuil grâce à… un certain Andry Rajoelina. C’est en effet la Constitution voulue et calculée par l’ancien président de la Transition qui permet aujourd’hui à Jean Ravelonarivo de contrecarrer la tentative de changement de gouvernement.

Techniquement, il faut que le premier ministre soit l’auteur d’une faute grave pour être évincé par le président de la République. Accuser le général de l’Armée serait s’accuser soi-même pour le l’expert-comptable qui ne finit pas de payer un mauvais calcul, euh pardon, un mauvais casting. Justement, le chef de gouvernement défend farouchement son bilan famélique et affirme qu’il a travaillé et doit continuer le travail. Ladite disposition constitutionnelle qui profite aujourd’hui à Jean Ravelonarivo devait protéger un premier ministre issu du MAPAR, qui aurait dû être désigné selon l’article 54, de l’ambition du président élu de la 4ème République de choisir son premier ministre.

Un troisième gouvernement en deux ans

Pourquoi alors le président a pu écarter facilement Roger Kolo ? Le vieux médecin n’a pas fait de la résistance. Ses proches affirment qu’on lui avait promis le poste de président du Sénat et ont accueilli avec amertume la nomination d’Honoré Rakotomanana. Le chef de l’Etat a besoin du service d’un éminent spécialiste de la Constitution de la République et non de la radiologie. D’ailleurs, Jean Ravelonarivo n’a pas été nommé dans le respect du fameux article 54. On s’étonne de la fébrilité du président Hery Rajaonarimampianina qui n’ose pas sauter le pas. La tension et la méfiance entre les deux têtes de l’exécutif sont désormais aussi visibles qu’une armée au nord du village, selon le dicton.

Mine de rien, le régime va connaitre son troisième gouvernement en à peine 2 ans. Le changement de cap est nécessaire surtout que les bailleurs de fonds ont commencé à revenir. Il y aura toujours des conditionnalités qui feront que certaines enveloppes ne seront pas débloquées. Le changement de gouvernement n’en sera jamais une, officiellement. Mais on sait, de source bien informée, que les partenaires s’impatientent et veulent un premier ministre de confiance à la tête du pays. Est-ce de l’ingérence ? Qui ne voudrait pas avoir des garanties de bonne gouvernance et de bonne gestion quand il donne son argent. Cette longue attente pèse dans les ministères où l’on note une certaine démobilisation des fonctionnaires. En plus, certains profitent pour dépenser le peu de budget dont ils disposent. En s’accrochant au pouvoir, Jean Ravelonarivo redéfinit la notion de stabilité politique.

Par A. Herizo