mardi , 30 avril 2024
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En 2014, la commémoration de la résurrection de 1947 s’est faite sans fastes et sans récupération politique contrairement aux récentes années de transition. Le président Hery Rajaonarimampianina n’a certes pas à justifier sa prise de pouvoir par un patriotisme douteux comme cela avait été le cas de son prédécesseur auteur d’un putsch. Il s’est toutefois présenté comme le leader d’une lutte qui n’est pas finie contre une ennemie coriace, la pauvreté.

29 mars 1947, des héros amers

La leçon de patriotisme selon le président Rajaonarimampianina
La commémoration du 29 mars est un test de patriotisme incontournable pour le chef de l’Etat. Si Hery Rajaonarimampianina a versé dans la sobriété pour sa première, c’est qu’il est arrivé au pouvoir sans être passé par un soulèvement populaire. Le nouveau président a fait part de son admiration pour les nationalistes. « Ils ont donné leur vie pour le pays, ils doivent être nos modèles », a-t-il déclaré.
La déclaration politique de circonstance n’est pas une récupération, mais une mobilisation. « La lutte que vous avez menée continue et c’est moi qui la dirige », s’est exprimé le président de la République à l’endroit des « anciens combattants » et héros nationalistes. Il estime que « la véritable libération des Malgaches sera la victoire sur la pauvreté ».
Hery Rajaonarimampianina évoque un patriotisme nouveau qui serait l’union des forces vives pour développer le pays. Pour le mettre en œuvre, il prône la « réconciliation nationale fondée sur la reconnaissance des uns et des autres de leurs erreurs, le pardon et la répartition équitable des richesses du pays ».
Pour marquer l’évènement, le président de la République a distribué des « enveloppes » pour honorer les aînés reconnus avoir participé à la lutte pour l’indépendance. Ils sont 2185 répertoriés en 2014. C’est le président Didier Ratsiraka qui a montré la voie pour que l’Etat fasse preuve de reconnaissance envers ceux qui ont participé à l’insurrection de 1947.
Manque de reconnaissance
Le recensement a commencé en 1978, mais jamais il n’a pu être exhaustif. A preuve, 67 ans après les faits, le traumatisme est encore vif. Des survivants à la répression sanglante perpétrés par les colons n’ont jamais quitté le fin fond de la brousse où ils se sont terrés. « Ils ont toujours peur des vazaha et continuent à vivre cachés », témoigne un ancien combattant, expliquant le nombre peu élevé de ceux qui ont été recensés.
Malheureusement, les nationalistes ont beau espéré une réparation de la France qui avait donné des fonds à l’Etat malgache. Ils ne perçoivent qu’une pension symbolique. Si ces octogénaires et nonagénaires ont aujourd’hui de l’amertume, c’est contre des dirigeants qui ne se soucient de leur bien-être que lors de la journée du 29 mars, eux qui revendiquent d’avoir combattu et perdu des êtres chers et des biens matériels pour l’indépendance de leur pays.
Edmond Rakotomavo, président de l’Association VTTM a une raison de plus d’être en colère. « Nous avons mené une grande lutte pour le pays et nous touchons aujourd’hui 23 000 ariary par trimestre alors que d’autres ont bénéficié de 200 000 ariary par mois », dit-il. Les autres, ce sont évidemment les membres de l’AV7 qui ont été récompensés par Andry Rajoelina de leur participation à la chute du président Ravalomanana lors de la tentative de prise du palais présidentiel le 07 février 2009.
Le manque de reconnaissance va au-delà des survivants de l’insurrection. C’est l’évènement lui-même qui a été minimisé par l’histoire et les historiens. A l’école, on enseigne aux Malgaches que 100 000 patriotes ont péri entre 1947 et 1949 dans une répression sanglante de la lutte pour l’indépendance. La France ne reconnaît que 30 000 à 40 000 morts. 10 000 seulement seraient tombés sous les balles, dont la plupart fusillés après leur arrestation. Dans tous les cas, le nombre n’est pas assez important pour justifier une demande de pardon envers le peuple et la nation de Madagascar.
A la place des commémorations, il faudrait un acte politique majeur pour qu’un pays et ses anciens combattants retrouvent une part de leur dignité, enterrée quelque part dans une fosse commune à Moramanga.