vendredi , 3 mai 2024
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L’impopularité des députés joue-t-elle en leur défaveur ? L’opinion semble favorable à l’application immédiate de la fameuse ordonnance 2014-001 qui oblige les parlementaires à faire une déclaration de patrimoine et qui limite sérieusement leur immunité. Ce texte réglementaire a été sorti à un moment où le président de la République était dans l’incertitude quant aux questions de la majorité à l’Assemblée. Le fait est que, pour le moment, c’est bel et bien l’exécutif qui contrôle le pouvoir législatif, menaçant les députés, sans exception de déchéance.

Députés : les dessous politiques de l’obligation de déclaration de patrimoine

Quelle que soit la motivation politique derrière l’ordonnance fixant les règles relatives au fonctionnement de l’Assemblée Nationale, cette dernière a pour effet de faire pression sur les députés. Le président Rajaonarimampianina dont l’Association et futur parti Hery Vaovao n’a aucun élu à l’Assemblée nationale y trouve un outil efficace pour garantir une fragile majorité obtenue par une alliance multilatérale. C’est un peu le monde à l’envers puisque ce doit être les députés qui exigent du président et du gouvernement une déclaration de patrimoine pour la simple raison que c’est l’exécutif qui gère l’argent public. « Est-ce qu’ils veulent contrôler nos salaires puisqu’on n’a plus le droit d’avoir une autre source de revenus », s’insurge un élu.

Le texte dit que les députés disposent de deux mois à partir de son entrée en fonction pour « déposer personnellement auprès de la Haute Cour Constitutionnelle une déclaration exhaustive, exacte, sincère et certifiée sur l’honneur de sa situation patrimoniale concernant la totalité de ses biens propres ainsi que, le cas échéant, ceux de la communauté ou lesbiens indivis ». L’ordonnance elle-même est sortie deux mois après la grande rentrée des députés à Tsimbazaza !

La présidence en remet une couche. Le député doit adresser « au Président de la Haute Cour Constitutionnelle ainsi qu’au Bureau de l’Assemblée nationale une déclaration faisant apparaître les intérêts détenus à la date de son élection et dans les cinq années précédant cette date, ainsi que la liste des activités professionnelles autre que tout emploi public, excepté l’enseignement, même non rémunérées qu’il envisage de conserver ».

Les conditions sont assez compliquées pour que la pression soit effective : « en cas de non-respect de l’obligation de déclaration de patrimoine et d’activités, la Haute Cour Constitutionnelle constate la carence et, par la même décision, déclare la déchéance du député défaillant ou récalcitrant. La Haute Cour Constitutionnelle désigne le suppléant du député frappé de déchéance pour exercer son mandat ». C’est le fisc qui sera chargé de détecter les fraudes, qu’il s’agisse d’une erreur ou d’un oubli dans la déclaration avant de remonter l’information à la HCC.

A part le mobile politique d’un président et d’un premier ministre sans députés, on peut toujours chercher une motivation logique ou éthique. Le chef de l’Etat et son entourage ne veulent d’un enrichissement des députés même si la plupart de ces derniers sont des opérateurs économiques au portefeuille bien garni. Un tel enrichissement suppose une certaine forme de corruption idéologique, puisque l’élu aurait vendu sa voix ou aurait profité de sa position pour fructifier ses affaires.

Avec cette ordonnance et la complexité des critères, aucun député n’est à l’abri d’une déchéance au bon vouloir de l’exécutif qui commande les services fiscaux. Même si la majorité présidentielle n’est pas encore scellée, puisque les groupes parlementaires ne sont pas encore définis pour empêcher les élus de changer de camp, personne ne veut être dans l’opposition. Les députés ne comptent pas se laisser faire et veulent amender l’ordonnance prise avec opportunisme par la présidence par une loi votée au parlement. « Que l’on applique la déclaration à tous les responsables du pays, du plus haut au plus bas, c’est une question de principe », commente Hanitra Razafimanantsoa. La vice-présidente de l’Assemblée nationale dénonce une règlementation visant uniquement les députés.

A part le patrimoine, la présidence se donne la possibilité de déterrer certains dossiers sur les députés avant leur élection, sans que ces derniers ne soient couverts par l’immunité parlementaire. Hery Rajaonarimampianina ne veut pas amadouer les parlementaires en leur offrant une 4×4. Il les affaiblit tout simplement, au point de ne pas leur verser ni soldes ni indemnités tout en les empêchant d’avoir une activité source de revenus. Techniquement, les députés n’auront pas le temps de réagir pour rétablir un rapport de force plus équilibré. Ils seront déjà passibles de… déchéance.