samedi , 27 avril 2024
enfrit
Des groupes d'individus se lancent dans une opération d'attaque systématique et de pillage des domiciles des proches collaborateurs du président sortant Didier Ratsiraka à Antananarivo.

La justice populaire en marche

« Nous n’avons rien à se mettre sous la dent ». C’est un casseur,
magnétoscope dans les bras, qui s’est exprimé ainsi à la suite de
l’attaque et du pillage du domicile du Directeur général de la
présidence, proche collaborateur de Didier Ratsiraka, Gérard
Andrialemirovason, lundi. Les forces de l’ordre devaient se limiter,
après avoir tiré à plusieurs reprises sur les assaillants, à évacuer les
occupants du domicile.
Même scène, et même catégorie d’acteurs, dans les opérations d’attaque
du domicile du Directeur général de la présidence et celui du ministre
des travaux publics, Jean Emile Tsaranazy. Un groupe de jeunes, bravant
les tirs à balles réelles des forces de l’ordre et les coups de
grenades, passent à l’assaut des domiciles, avant de dévaliser tout ce
qui peut être transporté.

Devant la villa de Tsaranazy, dans le quartier d’Ambatomaro, en
périphérie d’Antananarivo, le «siège » a duré toute une nuit. Près de 50
coups de feu, et l’explosion de quelques grenades assourdissantes, n’ont
point fait reculer la foule. Au contraire. Au lendemain de cette nuit
sans sommeil, il a fallu des renforts, non plus pour protéger le
domicile de Tsaranazy, mais pour évacuer les occupants de son domicile.
Le ministre des Travaux publics lui-même n’était pas dans sa maison.

Ennemi public

La villa a été littéralement prise d’assaut, une fois les forces de
l’ordre parties. Les casseurs ont tout pris, avant d’y mettre le feu.
Pour l’armée, il n’y avait pas d’autres solutions. A moins d’avoir la
volonté de faire face à un réel bain de sang. Tsaranazy, suspect N°1 dans
le dynamitage du pont de Fatihita, reliant la province d’Antananarivo au
sud du pays, est devenu un ennemi public. Mais la foule qui a assiégé
son domicile était surtout arrivée à ce point, après avoir intercepté, à
un barrage, un véhicule du ministère des travaux publics utilisés par
Tsaranazy, un véhicule aussitôt incendié.
A partir de cette attaque au domicile de Tsaranazy, les actions
s’enchaînent. Le domicile de José Andrianoelson, ancien ministre de
Ratsiraka, a été également saccagé dans le même quartier. La prochaine
victime fut l’ancien Premier ministre et ancien Maire de la capitale,
Razanamasy.

Liste noire

Dans la seule journée de lundi, quatre domiciles ont été pris d’assaut.
Une liste noire, qui semble être scrupuleusement respectée, a été déjà
publiée par tract. Les instigateurs de l’opération appellent, ni plus ni
moins, à l’avènement d’une vengeance populaire. Reste à savoir qui est
réellement derrière ces actes.
Les proches collaborateurs de Ravalomanana ont unanimement condamné ces
agissements. Et prévoient des mesures drastiques afin de limiter les
dégâts. Tout en estimant que ce sont des éléments infiltrés au mouvement
en faveur du nouveau président
Marc Ravalomanana qui sont derrière ces
attaques. Des sources officieuses estiment par ailleurs que l’opération
serait commanditée par des éléments faucons du camp Ravalomanana.
Les collaborateurs de Didier Ratsiraka sont toujours sur le qui-vive.

Une réelle menace leur pend toujours au nez.
Parallèlement, sur le plan juridique, des proches et défenseurs du
président sortant sont officiellement recherchés. Parmi eux, sa fille,
Sophie Ratsiraka, les ministres Herivelona Ramanantsoa et Tsaranazy,
ainsi que le tristement célèbre colonel Kotity qui continue de semer la
terreur dans la région Nord de la Grande Ile.
La crise politique, ainsi, s’enlise, et consécutivement la crise
socio-économique. Marc Ravalomanana poursuit sa conquête du pouvoir,
tandis que le président sortant Didier Ratsiraka, lui, ne pense plus
qu’à la guerre. Pour preuve, les barrages sur les routes nationales,
érigés sous sa caution, sont gardés par des militaires lourdement armés.