samedi , 11 mai 2024
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Les juristes ont déjà semé le doute sur le caractère légal de la prise de pouvoir par Andry Rajoelina qui a été avalisée, de facto, par la Haute Cour Constitutionnelle. La nomination d’un premier ministre par le président sortant Marc Ravalomanana renforce la confusion juridique autour du pouvoir à Madagascar.

L’argument légal pour nommer un gouvernement légaliste

C’est de Tripoli que la nouvelle est venue. Marc Ravalomanana a signé une ordonnance abrogeant celle du 17 mars 2009 dans lequel il avait confié le plein pouvoir à un directoire militaire. Ce dernier avait été alors investi par le président de la République de missions précises comme l’organisation des assises nationales, la préparation d’une nouvelle loi sur les partis politiques et d’un code électoral, l’organisation d’élections.

Le détail important se trouve dans la forme de ce directoire qui n’a pas eu le temps d’exister. Prévu être dirigé par le plus haut gradé de l’armée, toutes armes confondues, il n’a jamais été constitué et a donc failli à sa mission. La nouvelle ordonnance rejette la passation de pouvoir entre le directoire militaire et celui qui s’était déjà autoproclamé président de la Haute autorité de la transition à l’époque.

« Le président de la République n’a pas formellement donné sa démission, en conséquence, il demeure le président légitime élu ». Pour y voir clair, confier le plein pouvoir n’équivaut pas une démission quand celui à qui le pouvoir a été confié a failli dans sa mission. L’abrogation de l’ordonnance du 17 mars 2009 signifie de facto la non reconnaissance de l’autorité de la transition et du gouvernement dirigé par Monja Roindefo. Il y aurait toujours un vide institutionnel dans le pays.

« Le gouvernement (Rabemananjara) a été dissout, pour éviter le vide institutionnel, il est nécessaire qu’un nouveau gouvernement soit mis en place ». L’ordonnance conclut qu’il doit être procédé à la nomination d’un nouveau premier ministre capable de résoudre la crise actuelle. Sur proposition des sénateurs et députés, Manandafy Rakotonirina a été désigné par le président Ravalomanana. Le vide institutionnel est réfuté au niveau du parlement même si ce dernier a été dissout par Andry Rajoelina. Les élus sont remplacés par des personnes désignés qui exercent la fonction du parlementaire dans une institution temporaire dénommé Haute autorité de l’Etat ou Conseil Economique et Social.

Au-delà des débats juridiques, les faits et les circonstances de la passation de pouvoir entre l’armée et la HAT suffiraient à remettre en cause la qualité légale de cette alternance inédite. Tout d’abord, la HAT et son gouvernement ont déjà pris le pouvoir dans un contexte de violence pouvant faire peser une pression, sinon une menace sur la Haute Cour Constitutionnelle. Il a été demandé à cette dernière de prendre acte de l’effectivité du pouvoir prise par la rue avec un coup de pouce d’une faction de l’armée.

Les péripéties des événements du 17 mars ont vu l’intervention musclée de la CAPSAT et de son chef d’Etat-Major autoproclamé pour obliger les officiers généraux du directoire militaire à céder le pouvoir à Andry Rajoelina. La mésaventure du pasteur Lala Rasendrahasina, a renforcé la perception d’un coup d’Etat. Empêtré dans une polémique sur l’humiliation que l’on aurait fait subir au chef d’Eglise, un officier de la CAPSAT a jeté une pavée dans la marre : on a juste retenu en otage le pasteur jusqu’à ce que les généraux signent le document transférant le pouvoir à Andry Rajoelina. Il faut cependant reconnaître que le coup de force des militaires pro-TGV s’est fait sans coup de feu. A Antanimena, il y avait quand même une forme de violence et un réel danger. Quand les diplomates étrangers doivent se sauver en sautant par la fenêtre, il y a effectivement quelque chose d’anormal.

Si on essaie de mener le débat vers la légitimité, le transfert du pouvoir entre les généraux et Andry Rajoelina n’est pas logique, ni légitime. Quand il y a deux parties en conflit, l’une confie le pouvoir à une entité supposée neutre, cette dernière ne doit pas le transférer à l’autre partie. Agissant sous la pression des armes ou de la rue, faisant preuve de patriotisme et éviter une sanction pour le pays en sauvant les apparences, les généraux et les juges de la HCC ont-il agi dans la légalité ? L’imbroglio judiciaire continue.