vendredi , 26 avril 2024
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C’est la décision à laquelle les journalistes s’attendaient le moins en cette année 2009. Un des leurs croupit désormais en prison alors qu’au cours des dernières années le débat sur la dépénalisation des délits de presse a fait rage.

Le journaliste Evariste Ramanantsoavina en prison

Il n’était sans doute pas le plus effronté dans le métier. Evariste Ramanantsoavina a été pourtant placé en détention à la prison d’Antanimora après deux jours de garde à vue dans les bureaux de la Commission nationale mixte d’Enquête (CNME), à Ambohibao, dans la périphérie de la capitale.

Le journaliste de la radio Mada, une station pro-légalistes, grossit ainsi le nombre des prisonniers des autorités de Transition à Madagascar. Evariste est le premier journaliste emprisonné à Madagascar depuis une vingtaine d’année. Au cours des dernières décennies, Andry Rajoelina est donc l’unique « chef d’Etat » qui a jugé nécessaire d’emprisonner un journaliste. Même l’ancien dictateur Didier Ratsiraka n’y songeait pas alors que les médias locaux lui ont tiré sans ménagement à boulets rouges à travers diverses émissions lors de la crise politique de 2002.

Depuis plusieurs années, les journalistes Malgaches ont milité pour la dépénalisation des délits de presse, à travers notamment les diverses propositions en vue de l’élaboration d’un nouveau code de la communication. Un grand nombre de professionnels des médias sont sidérés, aujourd’hui, de voir l’un des leurs emprisonné comme un bandit de grand chemin alors que le 3 mai, le gouvernement de Transition a promis de défendre au mieux la liberté de presse et d’opinion dans la Grande Ile.

Evariste Ramanantsoavina a été interpellé par les militaires de la CNME, devenue actuellement une vraie police d’Etat, le 5 mai dernier à 5 heures du matin, à son domicile. Déféré au parquet le jeudi 7 mai en fin d’après-midi, le journaliste a été placé sous mandat de dépôt vers 19 heures, loin des regards indiscrets. Au moins trois chefs d’inculpation ont été retenus contre Evariste, à savoir non-respect de la loi sur la communication, incitation à la rébellion et diffamation publique.

Dès son arrestation, l’Ordre des journalistes de Madagascar a demandé la libération d’Evariste Ramanantsoavina. En vain. Reporter sans Frontières estime que « les conditions de son arrestation sont à la fois incompréhensibles et choquantes », avant de spécifier, dans un communiqué, « Nous attendons des autorités qu’elles le remettent en liberté sans délai ». Les collègues d’Evariste Ramanantsoavina, par crainte de nouvelles représailles, ont choisi de se terrer. Répondant à la question d’un journaliste, un enquêteur de la CNME a affirmé en effet que « l’arrestation d’autres journalistes dépendra de l’évolution de l’enquête ».

En tout cas, depuis la suppression officielle de la censure à Madagascar, en 1989, la presse malgache  n’a autant connu de pression. Le régime de Transition actuelle s’est fait en quelques jours la mauvaise réputation de faucheur de liberté d’expression. Le procès d’Evariste Ramanantsoavina est prévu le 11 mai au tribunal de la capitale. La radio Mada, quant à elle, devait finalement cesser d’émettre après un rude combat pour la liberté d’opinion et d’expression.