dimanche , 19 mai 2024
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En décrétant l?année 2004 « Année internationale du riz », avec un slogan particulièrement sensibilisateur : « le riz c?est la vie », les Nations Unies ont certainement eu une prémonition. A Madagascar, associer cette denrée alimentaire avec l?existence elle-même est un pléonasme. Rien qu?en 2003, 63% des ménages malagasy ont cultivé le riz. En milieu rural, 73% des ménages sont des agriculteurs. Aujourd'hui pourtant, le riz manque et le mécontentement populaire pourrait mettre en danger la crédibilité du Président Ravalomanana.

Le riz aura-t-il raison du Président Ravalomanana ?

En terme de production, 2004 aura été une année faste. Le ministère de l?agriculture a annoncé une production de 3 millions de tonnes de paddy, du riz encore non décortiqué, contre 2,8 millions de tonne pour l?année 2003. L?Etat se félicite de cette hausse de 200 000 tonnes qui s?inscrit dans une logique de croissance enregistrée depuis 2002. Car l?année 2003 elle-même a enregistré une hausse de la production de 7,06%, indiquent les statistiques du ministère de l?Agriculture.



Selon les techniciens, on doit cette évolution positive de la production à l?augmentation des superficies cultivées, aux retombées efficaces du programme d?action pour le développement rural (Padr), à la facilitation de l?accès au crédit, aux diverses opérations permettant de disposer plus facilement de l?engrais, des petits matériels agricoles.



Pourtant, depuis maintenant près de six mois, le consommateur malgache vit dans une paranoïa occasionnée conjointement par l?inflation et la non disponibilité du riz sur le marché. Décembre, à la veille de noël, les mères de famille sont beaucoup plus visibles devant les étals des grossistes que dans les magasins de jouets.



Le gouvernement a péché par manque de prévoyance, estime certains observateurs. Un déficit de 200 000 tonnes a été annoncé en juin. Le volume des importations à ce moment là ne dépassait pas les 58 000 tonnes. A titre de comparaison, à la même époque en 2003, les importations s?élevaient à 100 000 tonnes. Mais contre toute attente, aucune décision n?a été prise par le gouvernement, ne serait-ce qu?au niveau de l?allègement du droit de douane pourtant préconisé.


Dimension politico-économique



La hausse vertigineuse des cours sur le marché mondial – entre 250 à 300 dollars la tonne au mois de juin – a considérablement émoussé les importateurs qui ont préféré se tourner vers le marché local. La collecte à outrance, bien que faisant les joies des agriculteurs qui, pour la première fois pouvaient vendre leur paddy à 2500 Fmg le kilo contre 850 fmg les autres années, a non seulement fait monter en flèche le kilo de riz sur les étals des commerçants, il a aussi fait disparaître le riz local du marché.



D?autres analystes évoquent la dimension politico-économique du riz à Madagascar et parlent sans hésiter de spéculations. Selon des statistiques émanant du ministère des Finances et du budget, les importations constituent 10% du besoin national. C?est peu. Malgré des provinces comme Toliara et Toamasina où le riz importé est le plus consommé, le malgache, d?une manière général consomme essentiellement local. A 91%. Ce qui n?empêche pas que 26 % du riz commercialisé – si l?on devait prendre l?exemple de l?année 1999 – constitue une part importante du marché.


Madagascar est classé parmi les plus gros consommateurs de riz au monde. En 1999, la consommation de riz par habitant en milieu rural malgache est chiffrée à 138 kilos, et en milieu urbain à 118 kilos. Le pouvoir fait aujourd?hui la douloureuse expérience de la montée du mécontentement populaire provoquée par l?indisponibilité de cette denrée stratégique.



Le président Marc Ravalomanana en a tiré les leçons : « c?est une situation qui ne se répètera pas deux fois », a-t-il annoncé d?un ton ferme, tout en faisant savoir que des mesures ont été prises. Et à la liste des principaux importateurs traditionnels de riz comme les établissements Ramanandraibe, la société Ocean Trade de Anil Hiridjee, les établissements Silac de l?opérateur économique et ex-ministre du commerce Alphonse Ralison, ? vient s?ajouter Magro, entreprise de vente en gros, filiale du groupe agro-alimentaire fondée par l?actuel président de la République malgache.