vendredi , 17 mai 2024
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Le sommet de l?OUA s?est tenu vendredi à Addis Abeba. Avec l'appui de la France, une « décision » a été prise qui s'apparente à un véritable « coup d'État » vu de Madagascar.

Madagascar-O.U.A: le « coup d’état » d’Addis Abeba

L’O.U.A. compte 52 membres depuis que le Maroc a quitté l’Organisation. L’Organe Central pour la prévention, la gestion et le règlement des conflits réunit 17 ministres. A Addis Abeba, vendredi dernier, l’Organe Central s’est réunit en présence de l’ancien président malgache, Didier Ratsiraka, bien que celui-ci soit considéré comme un terroriste dans son pays et condamné à plusieurs reprises par la communauté internationale. Avec l’appui officiel de l’ex-puissance coloniale Française, les participants ont décidé de « geler » le siège de Madagascar au sein de l’O.U.A. Ils ont refusé de reconnaître le nouveau Président jusqu’au résultat de nouvelles élections dont ils ont exigés la tenue prochaine.

La demande de procéder à de nouvelles élections est considérée à Madagascar comme une tentative de « coup d’État ». Sur place, les Malgaches ont écouté cette décision à la radio dans la consternation totale. « Ils veulent remettre Ratsiraka au pouvoir? » se demande un journaliste.

Germain Rakotonirainy, un des ténors de la politique à Madagascar, pense que les chefs d’Etat Africains ont apparemment bien
intégré le message de Didier Ratsiraka – retransmis sur la grande chaîne de télévision française TF1 et la chaîne d’information française LCI peu avant la tenue de la session d’Addis Abeba – qui les appellait à s’unir contre le mouvance de la population malgache pour défendre leur pouvoir. « En effet, tous ces présidents sont montés au pouvoir par des moyens peu clairs » précise Germain Rakotonirainy.

Le farce de la fausse-guerre ethnique

Le sommet de l’O.U.A. se déroule suite à une campagne importante de communication dans les médias francophones visant à démontrer que Madagascar est en guerre civile et que deux chefs d’États s’affrontent au détriment de la population. Alors qu’on parlait de sécession, la campagne de « libération » des villes de province prises en otage par les anciens « gouverneurs » a été menée grâce à l’appui important des populations locales. On voit que, partout dans le pays, la population reste solidaire de la nouvelle équipe au pouvoir. Les Malgaches souffrent de la crise au delà de ce que l’on peut imaginer, pourtant, ils s’unissent derrière le seul véritable espoir de sortie du carcan de la corruption mis en place par l’ancien régime.

Madagascar devra-t-elle quitter l’OUA ?

La charte de l’O.U.A précise que son objectif est, entre autres, de « défendre la souveraineté, l’intégrité territoriale et l’indépendance » des États membres. Pour les Malgaches, la résolution de l’O.U.A porte atteinte à ces trois principes. La « souveraineté » parce qu’elle se substitue à une décision de sa Haute Cour de Justice qui avait, le 29 avril dernier, confirmé l’élection de Marc Ravalomanana à la tête de l’état. L’ « intégrité » car cette résolution donne désormais du courage aux partisans de Didier Ratsiraka qui n’ont eu de cesse, depuis le début de la crise, de crier à la sécession du pays : après le sommet, Didier Ratsiraka est retourné à Tamatave en vainqueur. « Indépendance » car tout porte à penser que la résolution de l?OUA était programmée par la France.

C’est de France que les critiques du nouveau Président sont les plus pointues. C’est de France que sont partis dernièrement les mercenaires. C’est en France que s’est réfugié Didier Ratsiraka et c’est la France qui, seule, a immédiatement applaudit la décision de l’OUA.

Si les Nations-Unies et
la Communauté Internationale avalisent cette décision, cela signifiera pour l’Afrique qu’une ex-colonie peut voir renversé, sur décision de quelques chefs d’États,
son gouvernement démocratiquement élu.

Cela signifiera pour Madagascar de nouveaux mois de souffrance et un blocus économique généralisé qui sera bien pire que les barrages de l?ancien dictateurs. Esseulés, les Malgaches devront-ils pour autant accepter le diktat de la « métropole ».

Quels exemples de Démocratie!

Les Etats membres de l’organe central de l’OUA chargé de la prévention, de la gestion et du règlement des conflits sont l’Afrique du Sud, le Cameroun, le Congo, l’Egypte, l’Erythrée, l’Ethiopie, le Gabon, le Ghana, la Guinée, la Libye, le Lesotho, le Mali, la Namibie, le Sénégal, la Tanzanie, le Togo et la Zambie.

L’Egypte est un pays sous état d’urgence depuis vingt ans. Eyadema (Togo) est le dirigeant ayant le record de longévité au pouvoir. Selon Amnesty International, les dernières élections au Togo auraient coûté la vie à des centaines de militants de l’opposition. Le leader de l’opposition togolaise serait d’ailleurs toujours en prison.

Parmis les chefs d’Etats qui étaient physiquement présents au sommet, nombreux sont francophones et économiquement étroitement liés à la France. Beaucoup d’entre eux musellent leur presse. Tous espèrent pouvoir se faire réélire prochainement dans leur pays. Issu du même sérail, il n’est pas étonnant que ces chefs d’États se protègent entre eux.

C’est pour cette raison principale que Marc Ravalomanana, Président africain atypique, ne pense pas avoir à leur rendre des comptes.