vendredi , 26 avril 2024
enfrit
L'heure est à l'organisation de la reconstruction et de la relance de l'économie. Les "Karana" continuent pourtant d'être écartés.

Près de 30% du flux monétaire, en péril

Le gouvernement est reconnu de partout et les bailleurs affichent leur disponibilité. Mieux, ils parlent d’une seule voix dans la compétition dans laquelle ils se livrent tout en demeurant chacun fidèle à leurs principes. On relève pourtant une indifférence de l’Etat malgache à l’égard des « Karana », un autre investisseur potentiel local. Des membres du gouvernement ont fait un geste somme toute symbolique à leur égard, les appelant à une étroite collaboration, sans suite. Au lieu de les associer concrètement à la relance de l’économie, on continue de les écarter de toutes les grandes rencontres décisives. On préfère quémander auprès des Mauriciens qui ne représentent qu’environ 30 000 emplois. L’aide mauricienne de 11 millions USD est conditionnée. Elle nous oblige à les dépenser pour des importations en provenance de Maurice, nous accoutumant davantage à l’aide extérieure.

Pour quelques « Karana » l’impression qui s’est dégagée des rencontres avec les gouvernants et les plus hautes instances religieuses de Madagascar, était la remontrance, l’avertissement sinon la mise en demeure. Apparemment, ils seraient les « juifs » voire la racaille de Madagascar et on leur aurait signifié de bien se tenir, de ne pas mettre les pieds sur les plate-bandes des Malgaches, confirmant dès lors la discrimination endurée par cette communauté. Pas de place pour les « Karana » dans la délégation auprès des « Amis de Madagascar » et pourtant ils font 25 à 30% du flux monétaire dans le circuit économique de Madagascar. Ils sont membres à part entière des groupements professionnels, Chambre de Commerce, Groupement des Entreprises de Madagascar, etc. Ils sont aussi dans les bâtiments, dans l’hôtellerie, la restauration, le cabotage maritime, et sont indispensables dans beaucoup de zones enclavées car ils y sont malgré tout, les seuls opérateurs professionnels. Ils constituent certes une minorité ? quelque 0,0013% de la population de Madagascar seulement car ils sont près de 20 000 individus au milieu des 15 millions d’habitants. Cela n’empêche qu’ils formeraient 65% des opérateurs formels de Madagascar.

Vivement un sérieux débat

Les multiples actes de vandalisme orchestrés et commandités contre les « Karana » les ont amené à s’agglutiner dans la capitale; les exposant encore plus à une opinion qui leur est défavorable, comme étant des « richards » et des « exploiteurs ». N’est-il pas temps de se pencher sur leur cas?

Il semble que cette communauté souffre de la tyrannie de l’opinion publique urbaine manipulable à merci. Un mal vivre plane sur cette communauté qui est qualifiée par feu président Tsiranana comme « la 19è tribu de Madagascar ». Les premiers « Karana » sont arrivés dans l’île dans les années 1870. La colonisation les ayant par la suite obligé à s’installer définitivement sinon de déguerpir, les « Karana » n’ont toutefois pas eu le privilège d’aucune citoyenneté. Ce refus a été maintenu jusqu’à maintenant, au 21è siècle, contexte dominé par la mondialisation et au moment où l’on veut surtout développer le pays de manière durable. Les zones franches ont fait leur preuve et démontrer leurs carences. Les emplois et les richesses qu’elles produisent sont volatiles. Socialement elles ne sont pas la panacée et elles créent une catégorie sociale à terme dangereuse pour l’économie et la paix sociale.

L’accès de manière règlementaire, légale et en toute transparence la nationalité malgache à ces résidents étrangers les mettront d’abord en confiance. Avec leur assimilation, le pays acquiert un peu plus de ressources pérennes sans avoir à s’inquiéter des investissements à fonds perdus. Ce que les entreprises franches en sont incapables de par leur nature.

La citoyenneté malgache aux « karana » devra s’accompagner de réels changements de mentalités de leur part et de la part des Malgaches eux aussi. Sans cela le développement des régions de manière rapide et durable va tout droit à l’échec. Le pays et l’économie risqueront toujours ces « Opérations Karana » ou OPK. Des opérateurs « Karana » des régions où ils étaient installés, ont été expulsés comme en 1987, dans l’indifférence des défenseurs des droits de l’homme et des droits des minorités et à la grande satisfacation de quelques citoyens aux comportements douteux.