vendredi , 26 avril 2024
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Comment la motion de censure a capoté : le film

La motion de censure contre le gouvernement Jean Ravelonarivo a été mise en échec par quelques membres du gouvernement avec le concours d’une poignée de députés qui ont fait allégeance au chef de l’Etat. Bien sûr, on parle à nouveau de grosses sommes d’argent, à côté, les 240 millions d’ariary trouvés dans un coffre de voiture d’une parlementaire ne sont qu’une broutille. Récit des moments forts de la journée qui ont précédé le vote à l’Assemblée nationale.

Difficile d’avoir un chiffre exact au sein de cette Assemblée nationale où 1 + 3 donneraient 4. Tout d’abord, le nombre de 114 députés pour la motion de censure a été remis en cause puisque parmi les anciens frondeurs ayant voté la déchéance du président de la République, certains ont retourné leur veste, à commencer par le président de l’Assemblée nationale lui-même. Dans la matinée de ce vendredi, Jean Max Rakotomamonjy a réuni d’urgence quelques députés pour leur communiquer un message surprenant : il faut faire le nécessaire pour que la motion de censure du gouvernement ne passe pas. Ces parlementaires ont fait part de leur étonnement à leurs collègues. Commence alors, le deuxième acte.

Les députés qui ne veulent pas voter pour l’éviction du gouvernement ont été priés de se rendre au motel Anosy. Ils ont été avertis par SMS. La presse, mise au courant de l’évènement s’est rendue sur place. Il aurait été question d’emmener les parlementaires pour passer un weekend de fête à Ampefy, un lieu de villégiature situé à 120 km à l’ouest d’Antananarivo. D’après les indiscrétions, quelques députés sont venus sur place dont ceux qui devaient voter pour la motion. « Ils ont réagi de manière opportuniste quand ils ont appris que le président de l’Assemblée nationale a retourné sa veste, autant prendre l’argent quand la cause est perdue », commente un député qui semblait hésiter à prendre le bus. Pas de distribution d’argent ni de départ pour Ampefy à cause de la meute de journalistes. Les députés sollicités se sont alors déplacés vers le Carlton toujours à Anosy pour tenir une réunion.

Le film de la journée connait un nouveau rebondissement un peu plus tard, quand des députés ont rencontré quelques membres du gouvernement très actifs. Ils ont été tenus de rester dans un hôtel afin d’être surs qu’ils ne voteront pas. Certains journalistes ont parlé de « séquestration », mais pour accepter de la situation, il fallait que les concernés aient les mains liées par une contrepartie supposée financière. Un député du groupe VPMM2 a réfuté cette hypothèse et estime que l’absence lors du vote était une stratégie. Entretemps, le groupe parlementaire Leader Fanilo, dont le président de l’Assemblée nationale est membre, a officialisé sa nouvelle position contre la motion de censure et a appelé les autres députés à voter contre.

Au moment du vote, dans la nuit du vendredi, 107 députés sont dans la salle alors que d’autres sont tenus à l’écart, quelque part. Il y a en réalité 122 votants puisque 15 députés ont donné une dérogation de vote ou procuration. Les membres du gouvernement présents à Tsimbazaza ont réagi avec un certain affolement. Les « séquestrés » ont-ils confié leur vote à un collègue ? Il fallait les appeler pour qu’ils votent eux-mêmes. Les présidents des groupes parlementaires transfuges s’en sont chargés. Ainsi, 5 députés sont accourus à une heure déjà avancée de la nuit. La théorie de la procuration volée est moins plausible que le contre-ordre de venir voter. En tout cas, des députés ont renié leur procuration. Au final, il y a 118 votants, un chiffre qui allait encore changer.

En témoigne le résultat final : les votants ne sont plus que 112. Le Oui a obtenu 95 voix tandis que 17 députés ont donné sa confiance au gouvernement. Il fallait 102 voix pour faire passer la motion. La question est : où sont passés les 10 bulletins de vote. Un fait suspect s’est déroulé durant le comptage des voix. L’assistance a fait un tollé devant des gestes douteux, une pile de bulletins a tout simplement été enlevée du lot. C’est à ce moment qu’un membre du service de sécurité qui a vu l’incident a dit quelque chose au président de l’Assemblée nationale sans que ce dernier n’intervienne. L’affaire est tuée dans l’œuf. Comme le « flagrant délit » n’a pas été dénoncé, tout cela est anecdotique. Le mal est fait même si 10 voix auraient pu changer le résultat. Bravo aux vainqueurs. Il ne restait plus qu’à continuer la soirée dignement à l’hôtel Carlton où l’un des auteurs du tour de magie se serait vanté d’avoir pu dissimuler 7 bulletins.  Cette vilaine victoire mérite bien d’être fêtée dans une boite de nuit pour clore une journée rocambolesque.

FIN