jeudi , 28 mars 2024
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Le premier président de la IVème République sera définitivement mal élu. Madagascar s’apprête à vivre une crise post-électorale et constitutionnelle en raison d’un scrutin manipulé, injuste et peu crédible. Si transparence il y avait, elle concernait les fraudes massives et l’utilisation à outrance des prérogatives de l’Etat pour faire peur aux responsables des collectivités et les fonctionnaires à faire élire coûte que coûte le candidat du régime. La CES doit trancher au risque de susciter la contestation des fraudeurs ou de ceux qui sont lésés par les fraudes.

Election présidentielle : la CES va juger à pile ou face

Les premières décisions de la Cour Electorale Spéciale sur des requêtes en rapport avec le second tour de l’élection présidentielle malgache indiquent qu’un candidat sera déclaré vainqueur puisqu’aucun des deux n’a été disqualifié. Les deux candidats avaient chacun demandé la disqualification de l’autre. Ils ont été déboutés. Il reste un peu de suspense même si la CENIT a donné Hery Rajaonarimampianina vainqueur avec 53,50%. Jean Louis Robinson a réaffirmé sa victoire à 52,87% selon les PV de bureaux de vote en possession de son QG et dénonce les fraudes massives du candidat du pouvoir.

La CES va-t-elle prendre ses responsabilités et procéder à une confrontation des PV au risque de constater un résultat opposé à celui publié par la Commission électorale ? Cette dernière avait révélé quelques anomalies pour justifier l’annulation d’une poignée de voix. Ce geste symbolique est loin de satisfaire le camp de Jean Louis Robinson qui avait rapporté des preuves de fraudes massives en particulier dans les zones rurales dans les régions côtières. « Derrière vos 70%, il n’y a rien de vrai », s’était insurgé le candidat de la mouvance Ravalomanana.

Les fraudes n’auraient eu lieu que là où c’était possible et facile. La CENIT ni les observateurs internationaux et nationaux n’ont pas le pouvoir de les empêcher. Béatrice Attalah rejette systématiquement la responsabilité des dysfonctionnements du processus de vote aux membres des bureaux de vote issus des Fokontany. Quand un chef de bureau de vote décide de ne pas rédiger le PV après le comptage et ne ferme pas le pli électoral, il peut en effet faire ce qu’il veut le lendemain.

Il faudra apporter des preuves matérielles de ces PV falsifiés. C’est là que les bulletins de vote cachés refont leur apparition. La responsabilité des agents et des démembrements est évidente dans le fait que les bureaux de vote ne se voient pas attribuer un nombre de bulletins égal à celui des électeurs. L’équipe de Jean Louis Robinson fustige des taux de participation normaux, aux environs de 50%, alors que même pas 1 électeur sur 10 a pu voter dans le fokontany.

La pression a été forte sur les chefs fokontany qui étaient menacés d’être privés de solde si le candidat du régime ne gagne pas largement. Les électeurs fantômes de la liste électorale étaient bien de chair et de sang le jour du scrutin. Pour rappel, Jean Louis Robinson et ses alliés soupçonnent une manipulation du régime sur cette liste pour y insérer 400 000 électeurs. La CENIT n’a pas pu faire un contrôle entier des doublons. De toute manière, la fabrication massive de cartes d’identité nationales au nom de ces électeurs est plus que suspecte.

Hery Rajaonarimampianina est un récidiviste. Au premier tour, il a déjà été condamné pour fraudes et a reçu une sanction symbolique, 5000 voix supprimées. Au second tour, il lui fallait 100 fois plus de voix litigieuses pour gagner. La CES vient d’adopter une logique inquiétante : les anomalies constatées ne sont pas en mesure de remettre en cause ni d’avoir changé les résultats des élections. Elle doit en effet sévir, ne pouvant pas fermer les yeux sur certaines pratiques moyenâgeuses en matière de fraudes électorales.

Le miracle de la vérité des urnes n’aura sans doute pas lieu. Difficile d’imaginer la CES enlever 400 000 voix à Hery Rajaonarimampianina pour les attribuer à Jean Louis Robinson quelles que soient les preuves des malversations. Elle peut craindre une crise à l’ivoirienne si elle va à l’encontre de la CENIT qui est tombée dans le filet des fraudeurs en se basant sur des PV et des matériels de vote suspects ou non. Si elle maintient un faux résultat, on risque de revoir la crise post-électorale de 2002.