Malgré les démentis maladroits et grotesques des barons du régime, le torchon avait plus que brûlé entre le président Rajaonarimampinaina et le premier ministre Jean Ravelonarivo qu’il a fait démissionner. C’est l’épilogue de presque trois mois de guerre froide qui a créé un malaise politique, l’état de crise institutionnelle n’ayant pas été admis bien qu’évident.
« Je n’ai pas l’intention de démissionner », « Je suis un militaire, je ne démissionne pas », « il n’y a que la Constitution qui peut m’éjecter de ma fonction »… Les déclarations choc de l’ancien premier ministre laissaient croire qu’il était en position de force. C’est vrai, le président de la République ne lui a jamais demandé publiquement de partir. Hery Rajaonarimampianina a été harcelé par les journalistes sur la question du changement de gouvernement ou d’un remaniement. Après des esquives dans le style « chaque chose en temps » ou « ou ce sera fait au moment opportun », il a fini par mettre de la pression : « cela va se faire et la décision sera prise de façon soudaine ». On doute que ce type de déclaration puisse voir l’effet de surprise escompté surtout que l’adversaire est un général de l’armée.
Le changement de gouvernement était prévu fin janvier. Au début de l’année, des consultations et des études de CV ont été fait pour former un gouvernement de technicien. A l’époque, le président de la République voulait avoir un peu plus de légitimité et plus de garantie pour la stabilité. Il a alors souhaité attendre la mise en place du Sénat. Puis, plus rien. Le nom du probable remplaçant de Jean Ravelonarivo est révélé. C’est un officier militaire de carrière qui est devenu un énarque, un profil censé rassurer les partenaires internationaux qui recommencent à débloquer des financements. Angelo Rakotonirina est un inconnu du public même si son nom est sorti régulièrement dans les médias.
Ne pas fléchir pour finalement rompre
Le général Jean Ravelonarivo a fait de la résistance. Ses brouilles avec le président ont fait l’objet de toutes les spéculations. On lui aurait soupçonné de préparer 2018 avant qu’il ne déclare officiellement qu’il ne sera pas candidat à la prochaine élection présidentielle. D’autres se délectent d’une ancienne rivalité que les égos masculins transforment en opposition politique. Des analystes préfèrent la thèse d’une simple erreur de casting et que le président doit rectifier s’il ne veut pas être en mauvaise posture en 2018. « J’y suis, j’y reste », c’était la caricature de la réponse de Jean Ravelonarivo. L’opinion s’inquiétait alors du déploiement d’éléments armés autour du premier ministre. Des mesures de sécurité ou une démonstration de force dissuasive ? Il y a une semaine de cela, la nouvelle courrait que le premier ministre a accepté de démissionner. Celui-ci se serait ravisé le lendemain même.
Comment l’ancien premier ministre a-t-il fait pour tenir presque 3 mois avant d’être limogé, si l’on admet qu’une démission forcée et anticipée vaut limogeage. Une source bien informée évoque le dossier Singapour. Le premier ministre avait le pouvoir de faire sauter l’Etat, car beaucoup de personnalités politiques du pouvoir actuel et même de la Transition seraient concernés. Cette affaire concerne évidemment le trafic de bois de rose. Etait-ce du bluff ? En tout cas, la justice singapourienne pourrait révéler les choses que l’Etat malgache essaie de couvrir. Bref, il n’y a pas eu de « Singapour papers » à Madagascar alors que les citoyens, la société civile et les partenaires étrangers s’attendent à ce que des noms soient enfin révélés. Hery Rajaonarimampianina pourrait se débarrasser pour de bon de Jean Ravelonarivo en l’envoyant à l’étranger pour occuper un poste diplomatique.
A. Herizo