« Allo Paris, ici Antananarivo. Est-ce que le nouveau gouvernement de Madagascar est prêt ? » Un tel dialogue ne serait imaginable que dans une fiction politique. Mais il n’est pas aussi loin de la réalité du moment. Selon une source bien informée, des consultants politiques français ont été chargés de sélectionner les ministres qui vont intégrer le gouvernement de celui qui va remplacer un Jean Ravelonarivo poussé au départ. Des malgaches ont toutefois participé à ce casting pas comme les autres.
Le discours sur la souveraineté nationale n’est que fanfaronnade puisque nos dirigeants ne peuvent que plier face à la volonté implacable des bailleurs de fonds. Oui, on peut se pavaner et crier sur les toits que le pays a reçu un financement de l’ordre de 900 millions de dollars. Il faut toujours se poser la question : sous quelles conditions ? Evidemment, les partenaires de Madagascar ne veulent pas que l’argent payé par leurs contribuables soit dilapidé. Depuis deux ans, les dirigeants malgaches n’ont pas pu ou voulu entamer les réformes nécessaires et exigées, encore empêtrés dans un calcul politique pour stabiliser ou renforcer le régime.
Un premier ministre et un gouvernement adoubés par les bailleurs de fonds
Le tandem Rajaonarimampianina – Ravelonarivo devrait être reconnu comme le garant de la stabilité politique, étant donné que les deux chefs de l’exécutif ont survécu à la fronde des députés. Presque par magie, les deux ont su faire exister une majorité virtuelle mais qui reste instable. La rivalité latente entre le président et le premier ministre est considéré comme une source potentielle d’instabilité. L’annonce tardive du général Ravelonarivo de son intention de ne pas se présenter aux présidentielles de 2018 n’a pas convaincu. Celui-ci est poussé à renoncer à son poste, même si l’hypothèse d’un changement de gouvernement est plus probable que celui d’une démission.
Alors que les deux têtes de l’exécutif se rejettent la faute sur le fait que le pays n’avance pas, la formation d’un nouveau gouvernement de Madagascar se trame sous d’autres yeux. L’identité du futur premier ministre a fuité depuis quelques temps. Il s’agit du colonel Angelo Rakotonirina qui est aussi un diplômé dans le domaine de l’administration. Ce dernier est le candidat qui a la confiance des bailleurs de fonds. Son gouvernement sera formé de techniciens recrutés sur CV. Les partenaires de Madagascar ne veulent pas d’un président de parti politique dans l’exécutif.
Il est exclu de donner l’opportunité à un parti de se constituer un trésor de guerre à partir des financements des bailleurs. Cette règle vise deux ministres qui occupent un portefeuille richement dotés, à savoir le ministère chargé des projets présidentiels et le ministère des Travaux publics. Par ailleurs, les bailleurs de fonds n’apprécient pas qu’un ministère soit à la charge de tous les projets présidentiels. Il y aura juste des projets qui seront attribués aux ministères concernés. Le président Rajaonarimampianina pourra-t-il s’en approprier à des fins de propagandes comme l’avaient fait ses prédécesseurs, l’avenir nous le dira.
L’article 54 de la Constitution qui est sujet à toutes les interprétations est aux oubliettes. Le premier ministre ne sortira pas d’une majorité relative à l’Assemblée nationale. Le gouvernement façonné par les bailleurs de fonds, la France en tête, donnera la priorité à l’économie. Au lieu d’un ministre d’Etat, le numéro 2 serait un vice-premier ministre en charge de l’Economie. Ce ministère a été dépouillé de sa substance par le département de Rivo Rakotovao qui s’est accaparé de la conduite du Plan national de développement que le gouvernement Ravelonarivo n’a pas pu mettre en œuvre. La nomination des membres du Sénat tombe à pic pour les frustrés du gouvernement.
A. Herizo