jeudi , 28 mars 2024
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La révolution des magistrats aura-t-elle lieu ? La transition anti-démocratique de la HAT est-elle le meilleur moment d’enclencher un changement profond. C’est autant de questions qui se posent suite à la revendication des magistrats d’avoir une réelle indépendance et d’être le 4ème pouvoir.

Magistrats, en marche pour le pouvoir judiciaire

Il ne faudrait pas focaliser sur la grève des magistrats toujours en plein bras de fer avec la HAT et en guerre froide contre la police nationale pour trouver les raisons des revendications de pouvoir du milieu judiciaire à Madagascar. Les assises nationales de la Justice ont accouché de 13 résolutions aux ambitions révolutionnaires. Les magistrats réclament la mise en place d’un Etat de droit dans lequel ils joueront le premier rôle.

Lutte contre le pouvoir excessif de l’exécutif exercé par la HAT

Pour commencer, ils « vont se lever contre ceux qui remettent en cause l’Etat de droit » et qui l’empêchent d’exister. Le syndicat des magistrats s’attaque de manière frontale à la HAT. Toujours sur fond de litige à propos de l’affaire Rehavana, le nom du substitut du procureur tué à Toliary par des policiers, Auguste Marius et ses confrères sonnent la charge. Les magistrats ne vont plus recevoir d’ordres directs du ministre de la Justice ou de qui que ce soit.

Ils dénoncent l’utilisation du tribunal à des fins politiques et l’absence de considération quand l’exécutif n’a pas besoin d’un juge. Les procès politiques contre les opposants à la HAT et les dossiers sur des présumés coups d’Etat, déstabilisation, terrorisme, trafic d’armes, tentative d’assassinat virtuel et autres délits commis dans le cadre d’une manifestation politique interdite sont remis en question.

Le SMM va plus loin et veut lutter contre une minorité qui exploite les richesses du pays en s’abritant derrière l’absence d’une structure judiciaire inexistante. Il s’agit évidemment de la Haute cour de justice qui est toujours inscrite dans la Constitution, mais qui n’a jamais été mise en place. La plainte du syndicat des magistrats contre le ministre de la Sécurité intérieure a très peu de chance d’aboutir, car c’est le conseil des ministres qui doit donner l’autorisation de poursuite.

Changement structurel et institutionnel

Les magistrats souhaitent avoir une institution judiciaire globale qui est pour le moment représentée par la seule Haute cour constitutionnelle. La proposition des hommes de loi est de mettre en place une Cour suprême qui sera au-dessus des autres hautes cours.

Parmi ces structures, on peut citer la Haute cour de la justice pour juger les ministres, les élus et le président de la République, celle constitutionnelle pour vérifier la constitutionnalité des textes et officialiser les résultats des élections nationales validées par la commission électorale, le Conseil d’Etat pour les litiges contre l’administration, la Cour des comptes…

Cette Cour suprême devrait incarner et défendre l’indépendance de la Justice. Durant la transition anti-démocratique depuis 2009, les magistrats ont dû se mettre en grève générale pour casser leur statut de subordonnés par rapport au ministre. Les tribunaux ne sont pas pour autant lavés de tout soupçon. Le spectre de la corruption ternit l’image d’une justice qui verrait ses jeunes magistrats s’enrichir un peu trop vite.

La transparence contre la corruption

Les hommes qui appliquent la justice ne sont pas non plus des anges, le tribunal étant reconnu comme l’antre de la corruption. Avant de devenir une vraie institution et nettoyer le milieu politique, la justice malgache a besoin de balayer devant chez elle.

Comme solution pour endiguer la corruption, le SMM prévoit de dénoncer les tentatives des hommes du pouvoir d’intervenir auprès d’un juge pour acquitter ou condamner un accusé. Les administrés seront en droit de dénoncer toute injustice. De l’intérieur, un système de veille va garder l’œil sur les magistrats et leurs décisions.

Le but n’est pas de remettre en cause la décision du juge, dans une affaire il y a toujours un perdant qui pourrait s’en plaindre. Il s’agit d’instaurer une transparence vue de l’intérieure et de l’extérieure. Pour le SMM, des changements sont à faire pour regagner la confiance des citoyens.

Avec l’illégitimité électorale de la HAT et du parlement qu’elle domine, la légalité relative du régime transitoire, ce sont autant de raison d’exiger la réforme tout de suite. Mais encore, pour que le changement institutionnel, structurel et éventuellement constitutionnel soit effectif, il faudra des lois votées par un parlement d’élus.