mercredi , 24 avril 2024
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Les journalistes ont montré un élan de solidarité pour demander la libération immédiate de leur confrère emprisonné dans l’affaire de la mutinerie avortée au Régiment d’Appui et de Soutien d’Ampahibe. La difficulté d’exercer la profession sous la pression des autorités de fait a été dénoncée.

Prisonniers de droit commun : les journalistes dénoncent

Les journalistes malgaches ont subi les effets néfastes de la crise politique. Un caméraman tué lors de la tentative de prise du palais présidentiel, des médias incendiés, des journalistes menacés et emprisonnés…l’année 2009 a été catastrophique. 2010 commence aussi mal pour la presse du pays. « On a cru que l’emprisonnement de journaliste allait s’arrêter au cas d’Evariste Ramanantsoavina de la Radio Mada », a lâché Rolland Andriamahenina, l’un des animateurs du mouvement de revendication pour la libération du confrère  de la Radio Fahazavana. C’est une bataille pour la liberté d’expression et la liberté de la presse qui a été malmenée ces douze derniers mois.

Un élan de solidarité se forme pour demander la libération du journaliste Lôlô Ratsimba et du directeur de la Radio Fahazavana, Didier Ravoahangiarison. « Lors de Maputo III, ces mêmes autorités avaient distingué les journalistes qui ont fait leur métier de ceux qu’elles ont traité de traîtres à la nation, pourquoi accusent-elles un reporter d’être un complice d’une tentative de coup d’Etat », s’interroge le journaliste Rolland Andriamahenina. Il fustige la répétition d’entorse à la liberté de la presse ces derniers temps, en particulier la difficulté d’accès aux sources d’information et les intimidations. Le filtrage des médias vient s’ajouter aux pratiques des nouveaux prédateurs de la presse.

Dans l’affaire de la tentative de mutinerie au camp d’Ampahibe le 29 décembre 2009, le ministre de la Défense avait déclaré que d’autres journalistes pourraient être enquêtés. Que reproche-t-on exactement au journaliste Lôlô Ratsimba qui a été présent sur les lieux de l’événement pour rapporter les faits. La ministre de la Communication a essayé de rassurer les journalistes en affirmant que l’accusé est inculpé en tant que citoyen. Selon Nathalie Rabe, l’accusation ne relève pas de la diffusion d’information ou d’un délit de presse mais de l’atteinte à la sûreté de l’Etat. Le droit commun pour épingler un journaliste ou un média d’opposition, le mobil paraît clair et ne rassure en rien les confrères.

La ministre de la Justice a qualifié de tract le communiqué de contestation des journalistes. Christine Razanamahasoa adopte le même discours policé que sa collègue du gouvernement. C’est un délit de droit commun, Lôlô Ratsimba n’a pas été emprisonné en raison de sa qualité de journaliste. Selon la ministre, le reporter de la radio a été présent dans le camp d’Ampahibe à 3h30. Officiellement, les enquêteurs l’avaient accusé d’être présent au camp à 4h. L’intéressé a affirmé ne s’être déplacé sur les lieux qu’à 5h30 suite à l’appel d’un auditeur qui habite le quartier d’Ampahibe. Pour la ministre de la Justice, des CD contenant des déclarations ont été en possession du Journaliste Lôlô Ratsimba, prouvant sa culpabilité. Or d’autres médias ont aussi publié une déclaration de l’adjudant-chef mutin.

Si couvrir une mutinerie était un délit de droit commun, l’administration Ravalomanana aurait pu emprisonner tous les journalistes qui ont couvert la conférence de presse décisive des colonels mutins en mars 2009 au CEMES Soanierana. C’est grâce à la médiatisation de cette déclaration que les choses avaient basculé. On comprend aujourd’hui la susceptibilité des autorités de fait qui elles-mêmes ont utilisé les médias pour faire leur coup. D’Etat de droit en un état de non droit, les journalistes malgaches ont été les instruments et les témoins impuissants de la mutation.