Obligé de démissionner, le conseil d’administration d’Air Madagascar et son président Henri Rabary-Njaka ont-il sauté en parachute avant que la compagnie ne crashe ? Après une dangereuse perte d’altitude, on a un nouveau commandant à bord en la personne de Léon Rajaobelina. Le nouveau conseil d’administration se dit moins politique et se montre très ouvert au dialogue et enclin à faire des concessions. La crise est encore loin d’être terminée, d’autant que les associations des syndicats en ont fait une lutte commune.
Les membres du CA ont été choisis pour leur compétence et se donnent pour mission d’arriver à un fonctionnement en toute autonomie de la compagnie, sans immiscions de la politique. C’est un peu le message que le nouveau PCA Léon Rajaobelina a partagé à sa prise de fonction. A première vue, cet ancien ministre des finances et gouverneur de la Banque centrale de Madagascar du temps de Ratsiraka, et non moins vice-président de Conservation International a un profil moins politique que son prédécesseur, un ancien directeur de cabinet omniprésent de la présidence de la République.
Il ne faut pas se leurrer, Léon Rajaobelina est aussi un proche de l’actuel chef de l’Etat dont il est l’un des conseillers économiques. Hery Rajaonarimampianina garde la main sur Air Madagascar dont il était lui-même un ancien PCA. Eric Koller est un ami proche, le premier responsable des festins de la République et qui a même été pressenti succéder à Henri Rabary-Njaka. Il représente le secteur touristique. Pierre Jean Feno est un disciple du président qui l’a nommé Directeur général du Trésor Public. Il est selon la loi le représentant de l’Etat. De l’entourage présidentiel proviennent aussi Thierry Rakotoarison, un de ses conseillers économiques et Bruno Razananirina, président de l’ordre des experts comptables de Madagascar. Le représentant des salariés Alfred Andriantsoamberomanga reste dans le CA.
L’équipe de Léon Rajaobelina choisit de confier la direction opérationnelle de la compagnie à trois personnes avec un objectif précis : assurer la continuité des opérations pour un retour à la normale de l’exploitation. Ces intérimaires devront mettre en place la plate-forme de dialogue qui pourra réunir la CA, la direction de la compagnie et les partenaires sociaux. Madame Holitina Rakotondrainibe en charge des Finances et de l’administration, Fidy Rakotonirina pour s’occuper de la Qualité, Sécurité et Sûreté, et le Commandant Dominique Rakotomalala en tant que responsable des Opérations Aériennes ont été mandatés par le CA pour diriger Air Madagascar avant que le nouveau directeur général ne soit désigné dans un délai de deux mois. La nouveauté est que le recrutement fera l’objet d’une candidature ouverte.
Si le nouveau CA a décidé de « lever les sanctions disciplinaires en cours relatives aux mouvements sociaux », le nœud du problème n’est pas défait, la faute à une procédure pénale déjà engagée contre les leaders syndicaux. Le tribunal a de son côté demandé à la partie défenderesse de solliciter l’avis de la HCC. Ce qui suppose un délai de 15 jours pour la saisine et jusqu’à 30 jours supplémentaires pour la décision. Le départ du PCA et du DG n’a pas fait oublier les autres revendications. L’entrée en scène des autres syndicats venus défendre leurs collègues d’Air Madagascar complique la donne. Quelles que soient les difficultés financières de la compagnie, prélever les cotisations sociales des salaires sans les verser à la Caisse de prévoyance sociale n’est pas justifiable aux yeux des syndicalistes.
Combien Air Madagascar a-t-elle perdu depuis le début de la grève ? Alors que le chiffre de 500 000 dollars par jour a toujours été avancé, l’estimation aurait été exagérée. La perte n’aurait été finalement que de 3 millions de dollars en trois semaines. Rien d’officiel pour autant, l’évaluation finale des couts ne se fera que lorsque la grève est définitivement arrêtée. Air Madagascar a des charges fixes à commencer par le salaire de ses 1200 agents, la location d’avions et d’autres obligations financières. L’Etat a versé 2 milliards d’ariary pour permettre à la compagnie de retrouver sa vitesse de croisière. Ce qui est loin d’être suffisant pour compenser les pertes et les manques à gagner
A. Herizo