vendredi , 19 avril 2024
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Les salariés étaient en train d’étrangler leur entreprise afin de la sauver d’une mort programmée. Une perte sèche de 65 000 par jour, un risque de répression de la part de l’OACI, une plainte probable des compagnies françaises et d’autres victimes de la perturbation des vols… le staff d’Air Madagascar et le ministère des Transports ne les ont pas suivis et, au contraire, ont tout fait pour les arrêter. Insensé, incompréhensible, désespéré, inconscient, les qualificatifs étaient nombreux pour qualifier un mouvement social original. La démarche du syndicat du personnel de la compagnie Air Madagascar cache pourtant une révolte contre ce qu’il croit être une injustice, c’est-à-dire une prétendue manœuvre de la France pour s’accaparer le marché des liaisons aériennes entre Madagascar et l’Europe.

Annexe B : un mal incurable pour Air Madagascar ?

Chacun y va de sa spéculation. Pour les salariés, c’est la France qui est l’instigatrice du maintien de Madagascar dans l’annexe B. « C’est la DGAC française, la direction générale de l’aviation civile, qui avait mis Air Madagascar dans cette situation » a déclaré le pilote syndicaliste Rado Rabarilala qui a évoqué une « revendication toute simple : vous sortez Air Madagascar de l’annexe B, c’est tout ». Le mouvement est donc ouvertement contre les autorités françaises d’où les moyens de pression choisis qui consistent à empêcher l’atterrissage de tout avion d’une compagnie française en boycottant les opérations au sol. Air France a été la première visée avant que Corsair ne doive elle aussi annuler des vols.

« Ce n’est pas un pays qui a décidé de mettre Air Madagascar dans l’Annexe B puisqu’il s’agit d’une décision technique prise par les 28 Etats membres de l’UE », rétorque le ministre des Transports. Les rapports de l’OACI relevant les défaillances en matière de sécurité et de sureté aériennes étaient accablants. Ulrich Andriantiana estime que la revendication n’a pas lieu d’être, car « ce n’est pas en faisant ce genre de pression que la compagnie sortira de l’Annexe B ». « Le problème est structurel, et il vient du côté malgache », assume le ministre. Il relève des lacunes et du manque en ressources humaines de l’Aviation Civile de Madagascar pour effectuer les contrôles, et d’Air Madagascar pour assurer les maintenances.

Selon le ministre des Transports, son département travaille sur ce dossier afin de réussir la prochaine évaluation technique programmée en mars 2015 et tout devrait être prêt fin 2014. James Andrianalisoa, DG de l’ACM confirme que la structure actuelle empêche cet organisme étatique d’accomplir sa mission. « Quand il y a de la compétence et que le travail est bien fait, nous sortirons de l’Annexe B », dit-il. Le but est de réduire au minimum le risque opérationnel et de gagner des certifications. Il reste à espérer que l’UE ne tienne pas rigueur de la fronde actuelle au moment de l’évaluation.

Pourquoi donc les salariés d’Air Madagascar ont pris les compagnies françaises en otage. Le précédent camerounais les motivait. Selon un des leaders syndicaux, le Cameroun avait le même problème avec la France et l’Etat était solidaire avec la compagnie nationale. « Ils ont menacé les compagnies françaises d’interdiction et ils ont eu gain de cause». La différence est que les autorités malgaches étaient plus préoccupées par le sort d’Air France et les désagréments causés par les perturbations. Le ministre des Transports a dénoncé un complot qui consiste à saboter les opérations au sol monopolisées par Air Madagascar. Selon Ulrich Andriatiana, le mouvement syndical cacherait des intérêts particuliers d’entreprises qui souhaitent voir les prestations de la compagnie nationale démantelées et privatisées.

Air France domine par le nombre de vols hebdomadaires, soit 25 contre 17, mais encore elle utilise des appareils Boeing qui peuvent transporter deux fois plus de passagers que les Airbus loués par Air Madagascar et avec des équipages techniques étrangers. Cette interdiction de survol de l’espace européen par ses appareils coûte à la compagnie malgache 1,3 million de dollars mensuels. Les salariés sont convaincus que cette situation très profitable à la compagnie française n’est pas étrangère à la mise en Annexe B de leur compagnie malgré les efforts et les améliorations réalisés pour se mettre aux normes.