samedi , 20 avril 2024
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Les licenciements se poursuivent et se ressemblent dans les entreprises franches du textile et qui sont concernées par la non éligibilité de Madagascar à l’AGOA. Les employés se retrouvent littéralement à la rue, puisque du jour au lendemain, l’usine ferme ses portes ou plutôt ses portails. Le GEFP tente une solution technique alors que les syndicats crient au scandale. D’autres sociétés profiteraient de cette situation pour plier bagages.

Fin de l’AGOA : vrai malaise social, fausse crise économique ?

07 heures du matin, les employés d’une usine arrivent sur leur lieu de travail. Un attroupement se forme aussitôt. Pour cause, le portail est fermé. Une simple affiche informe les salariés qu’ils sont au chômage technique. L’annonce est aussi brusque que brutale. « On ne nous a pas prévenu de cette mise en chômage, se plaint un délégué du personnel. La direction est injoignable ». Ce n’est pas la première fois que de telle scène se passe devant une usine de textile. « On a remarqué que des responsables ont commencé à déménager du matériel depuis quelques jours mais on n’a pas été suspicieux. A croire qu’ils ont décidé de prendre la fuite », témoigne une employée.

Dans les zones industrielles d’Antananarivo et de ses environs, il y a une cohue exceptionnelle. Les salariés qui viennent de  perdre leur emploi y côtoient ceux et celles qui sont à la recherche d’un emploi. « A l’usine d’à côté, on dit qu’ils recrutent mais ils sélectionnent on ne sait pas comment celles qui sont embauchées, alors, on préfère rester ici pour essayer de récupérer nos droits », se lamente Harisoa, une jeune mère de famille de 27 ans. Le mal qui touche la zone franche ne se limite pas aux entreprises concernées par le marché américain. « Je ne comprends toujours pas pourquoi on a mis les clés sous la porte, se demande Mahefa, 31 ans, superviseur. On a eu certes une baisse des commandes mais ce n’était pas catastrophique, il y a eu pire ».

Sur les 45 000 salariés qui sont menacés de licenciement suite à la perte du privilège de l’AGOA, quelque 10 000 ont déjà été licenciés ou mis en chômage technique. Les syndicats protestent. Selon le FISEMARE, on redoute une volonté de certaines entreprises de quitter le pays en laissant les employés malgaches à leur triste sort sans même payer leurs droits comme les indemnités et le solde de tout compte.  « Certaines entreprises franches y trouvent un prétexte pour fermer leur usine alors que les vraies raisons n’ont rien à voir avec l’AGOA, comme une mauvaise gestion financière à cacher », explique un syndicaliste. « Ces sociétés doivent régulariser la fin de contrat de ses employés afin que ces derniers puissent jouir de leurs droits, le chômage technique de 6 mois ne serait qu’un leurre », ajoute-t-il.

Le Groupement des entreprises franches et partenaires ou GEFP reste toutefois optimiste : « on peut toujours sauver la plupart des emplois perdus à cause de la fin de l’AGOA en se tournant vers le marché européen ». Le mandat du président du groupement est prolongé jusqu’en juin afin de faire face à la crise.  « On essaie de trouver une stratégie technique afin d’atténuer la conséquence de l’AGOA sur les entreprises, on essaie de voir avec les partenaires sociaux et l’Etat.

La vraie solution est politique mais cela ne nous concerne pas », explique Jacky Radavidra. Il estime que le chômage technique n’est pas nouveau à cette période de l’année, précisant que les entreprises membres du GEFP ne refusent pas leurs droits aux employés. « On pourra toujours revenir dans l’AGOA quand les conditions d’éligibilité seront à nouveau remplies, conclut-il.  D’ici là, de nombreuses entreprises lassées par les incertitudes politiques dans le pays risquent de quitter Madagascar. Les investisseurs mauriciens sont parmi les plus mécontents.